Problématique des systèmes monétaires internationaux

Un nouveau système monétaire international de type Bretton Woods est en gestation dans le cadre des BRICS. Il devrait reposer sur des chambres de compensation et des monnaies nationales…

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Avant les deux guerres mondiales, l’essentiel des transactions financières transfrontalières dans le monde était effectué entre des entreprises situées dans des pays liés au Royaume Uni ou à la France (leurs anciennes colonies), donc en livres sterling ou en francs français qui étaient donc les seules monnaies internationales de réserve.

Dès le mois de juillet 1944, c’est-à-dire avant la fin de la Seconde guerre mondiale (!), les Américains ont réussi à mettre en place un nouveau système monétaire international dit de Bretton Woods basé sur leur monnaie, le dollar USD.

Cependant, un gros problème se posait alors, bien identifié par Robert Triffin : ces dollars ne circulaient qu’à l’intérieur du territoire des États-Unis.

Aucune banque centrale non américaine n’avait alors de dollars en réserve.

Pour qu’un tel système monétaire international basé sur le dollar puisse fonctionner normalement et efficacement, il fallait alors que les entreprises des pays du reste du monde puissent vendre des produits à des entreprises américaines qui allaient ainsi payer ces achats en dollars qui pouvaient ainsi alimenter les réserves des banques centrales non américaines.

Inversement, les entreprises américaines n’étaient pas obligées de vendre en contrepartie des produits hors du territoire des États-Unis pour équilibrer leur balance commerciale.

Ainsi, ce système monétaire international de Bretton Woods engendrait naturellement et automatiquement un déficit de la balance commerciale américaine durable et même indispensable, du moins pendant un certain temps et dans certaines limites, ce qui s’est réalisé effectivement pendant des décennies, tant que la confiance dans le dollar persistait.

Cette confiance dans le dollar a duré pendant des décennies car cette monnaie avait pour contrepartie une production réelle de biens et de services (le PIB) considérable (par rapport au PIB des autres pays) avec un rapport entre la masse monétaire (M3) et le PIB dans les normes, c’est-à-dire sans hypertrophie monétaire, ce qui est toujours létal à terme.

Cette confiance dans le dollar était confirmée par la possibilité pour les banques centrales de convertir ces dollars en or au prix de 35 USD l’once… ce qui ne signifie pas que le dollar avait pour contrepartie de l’or !

La contrepartie du dollar USD est et a toujours été la richesse créée aux États-Unis, c’est-à-dire le PIB et non pas de l’or, qui n’est qu’un métal qui pouvait être livré sur demande aux banques centrales qui pouvaient en faire la demande, et c’est ce qui donnait l’impression de garantir ainsi et de renforcer la confiance en cette monnaie.

L’abandon de la libre convertibilité du dollar en or le 15 août 1971 n’a rien changé à ce système monétaire international de Bretton Woods car de toute façon la contrepartie du dollar USD est son PIB. C’est là un principe irréfragable et fondamental.

Pour rappel, l’argent sain est le premier pilier des Reaganomics, dixit Arthur, Laffer, et le dollar est resté sain, c’est-à-dire dans les normes au cours de la seconde moitié du XX° siècle.

Le problème est que, après la chute du communisme dans les années 90, les Américains ont laissé se développer à partir du début des années 2000 une bulle monétaire qui fragilise irrémédiablement le dollar et donc ce système monétaire international de Bretton Woods.

Le rapport (en pourcentage) entre la masse monétaire M3 et le PIB a dépassé la norme de 80 % à partir du début des années 2000 en atteignant un niveau létal qui n’est plus maitrisable,

En conséquence, une certaine panique s’empare présentement des autorités américaines

Elles cherchent à maintenir ce système monétaire international de Bretton Woods par tous les moyens mais sans chercher à rétablir les équilibres monétaires fondamentaux que l’Amérique ne respecte plus pour la première fois depuis 1944 !

Ces moyens sont coercitifs. Ainsi, le Donald militarise le dollar en imposant une série de nouvelles sanctions contre… le reste du monde sous la forme de droits de douane dits réciproques mais outrageusement et injustement prohibitifs, même contre ses plus fidèles alliés.

Cette guerre monétariste s’ajoute aux guerres dites de haute intensité menées par l’Amérique contre un certain nombre de pays musulmans, la Russie et potentiellement contre la Chine alors que ces pays ne sont pas une menace réelle et objective à l’encontre des États-Unis.

Cette politique multiforme ne s’attaque qu’aux effets apparents des dysfonctionnements américains sans résoudre ses problèmes fondamentaux endogènes. Elle est vouée à un échec certain car elle exacerbe les tensions du reste du monde contre l’Amérique.

Au XX° siècle, cette Amérique défendait positivement le capitalisme libéral contre le communisme en conservant une supériorité sur le reste du monde fondée légitimement sur une productivité globale supérieure à ses concurrents grâce aux innovations de ses entreprises et à la supériorité de ses armées, et de bons fondamentaux monétaires, ce qui n’est plus le cas depuis une vingtaine d’années.

A l’opposé, les pays qui étaient considérés comme étant non alignés dans le cadre de la conférence de Bandung, auxquels se sont joints les anciens pays dits communistes enfin convertis aux bienfaits du capitalisme libéral menés par la Russie et la Chine, subissent présentement les foudres du Donald.

Ils développent plus ou moins adroitement un nouveau système monétaire international à l’instar de celui de Bretton Woods (le China International Payments System (CIPS) mais il ne se base pas sur une seule monnaie nationale… car il n’existe pas de monnaie dominante fiable parmi ces pays rassemblés sous la bannière des BRICS.

En effet, ce nouveau système monétaire international devrait se baser sur un premier niveau, constitué de chambres de compensation nationales permettant au système bancaire de chaque nation d’assurer le fonctionnement fiable des flux financiers interbancaires, et sur un second niveau assurant l’interconnexion de ces chambres de compensations nationales de façon à relier à terme toutes les banques de tous les pays faisant partie de ce système.

Ainsi, les relations entre les banques centrales des BRICS ne se feraient plus sur la base d’une seule monnaie mais de réserves constituées de monnaies nationales… pour lesquelles les pays membres devraient pouvoir en assurer la contrepartie en or.

Ce nouveau système monétaire international en gestation des BRICS devrait fonctionner donc comme celui de Bretton Woods dans sa forme antérieure au 15 août 1971 dans la mesure où seules les réserves détenues par les banques centrales seraient convertibles en or pour en assurer la fiabilité, mais à la différence que ce système ne serait pas basé sur une monnaie unique comme l’était le système de Bretton Woods basé sur le seul dollar USD.

Un tel système est complexe mais réalisable grâce aux techniques nouvelles (en matériel et logiciels) et il est en gestation timide car il est novateur et il s’oppose aux projets antérieurs basés sur des tentatives erronées de créer une monnaie unique mondiale, ce qui est totalement utopique et contraire à toute logique monétaire concevable.

© Chevallier.biz

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