Gogos, $ à gogo et €ffondrement

Tous les gogos sont persuadés que toutes les personnes qui veulent acheter des dollars peuvent en acheter autant qu’elles le veulent et qu’il en est de même pour les banques, sans aucune limite : yaka en acheter sur le Forex !

Comme Milton Friedman, je n’ai toujours pas compris pourquoi tant de gens ne comprennent pas ces problèmes économiques et financiers (de défaut de paiement en dollars) car tout est simple

J’ai déjà pourtant tout expliqué clairement à plusieurs reprises ces problèmes. Un dernier essai quand même…

Toutes les personnes qui possèdent des euros et qui désirent acheter des dollars doivent obligatoirement passer par l’intermédiaire d’une banque. En fait, c’est cette banque qui achète ces dollars pour le compte de ses clients et qui affecte ensuite ces dollars sur leurs comptes.

Tout va bien tant que les banques de la zone euro ont des dollars dans leurs comptes qui proviennent d’exportateurs (payés en dollars) ou d’étrangers investissant en dollars dans la zone euro.

Malheureusement, les balances commerciales de ces cochons de pays du Club Med sont déficitaires ainsi que les investissements directs étrangers, depuis juin 2004 pour la France (cf. mes articles).
La balance des paiements de la France est (obligatoirement) rééquilibrée par les transferts de devises de la Buba vers la Banque de France (dans la rubrique Autres investissements, cf. mes articles) et aussi et surtout par les investissements anglo-saxons en bons du Trésor français.

Cependant, ce rééquilibrage au niveau des nations ne permet pas aux banques ordinaires de récupérer des dollars, d’autant plus que les investisseurs anglo-saxons passent généralement par l’intermédiaire de leurs propres banques pour acheter des bons du Trésor français.

Avant les turbulences financières de 2008, les banques de la zone euro qui n’avaient pas assez de dollars pouvaient en emprunter à celles qui en avaient en excédent (en particulier les banques allemandes) mais depuis la faillite de la banque des frères Lehman, le marché interbancaire ne fonctionne plus normalement (cf. le bilan de la BCE), ce qui signifie que les dirigeants des banques ne se font plus confiance entre eux car ils savent que certaines d’entre elles n’ont plus de dollars.

Une possibilité aurait été pour ces Gos banques d’acheter des dollars sur le marché (sur le Forex !) mais, vu la masse de dollars qui aurait dû être achetée, le cours de l’euro par rapport au dollar aurait plongé, ce qui aurait provoqué rapidement un tsunami bancaire dans la zone euro.

Une solution a été trouvée : les banques européennes ont emprunté des dollars en masse à des fonds monétaires américains confiants (en la zone euro), voire crédules, jusqu’à 115 milliards de dollars pour les seules Gos banques françaises fin mai dernier d’après l’agence de notation Fitch.

Par la suite, les dirigeants de ces fonds ont commencé à avoir (enfin) des doutes sur la solidité des banques européennes et de la zone euro en général. Ils ont réduit leurs encours à 35 milliards de dollars fin octobre pour les seules Gos banques françaises, derniers chiffres communiqués par Fitch.

Jusqu’à présent, les banques européennes n’ont pas eu besoin de rapatrier ces dollars qui se trouvent aux États-Unis, mais elles pourraient le faire en cas d’urgence, ce qui déstabiliserait le bilan de la Fed et inquiète beaucoup le bombardier furtif B-2, Ben Bernanke.

Les tensions sur les marchés ont augmenté récemment très dangereusement, cf. la hausse des CDS et des écarts entre les rendements des bons à 10 ans des Trésors des pays critiques.
Les risques de défauts de paiements de grandes banques se sont accentués. Le krach éclair du 6 mai 2010 a été préventivement évité récemment par l’annonce de la réactivation des accords de swap entre les grandes banques centrales mercredi 30 novembre qui permet en fait aux banques de la zone euro de se réapprovisionner à gogo et à bon compte en dollars, la BCE pouvant à son tour se réapprovisionner en dollars à gogo auprès de la Fed.

Malgré cette bouée de sauvetage, la situation reste très tendue. Pour l’instant, aucune big bank too big to bail n’a eu besoin de se réapprovisionner massivement en dollars auprès de la BCE, les très nombreux règlements courants peuvent encore se faire car ils sont basés souvent sur des opérations réciproques de couverture, mais ça ne peut pas durer éternellement

Les risques d’un effondrement de l’euro sont considérables, surtout depuis le début de l’année 2011. Le pire a été évité. C’est de la survie miraculeuse au jour le jour.

C’est simple, tout est simple, enfin, presque.

Un gogo est une personne d’une crédulité niaise, qui se laisse facilement duper, notamment en matière d’affaires et de finances. « On peut le tromper comme on veut, c’est un gogo » d’après le Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition.
Les gogos sont un avatar des idiots inutiles qui peuvent finalement devenir miraculeusement utiles car ils permettent parfois de mieux expliciter certains problèmes…

12 réflexions sur “Gogos, $ à gogo et €ffondrement”

  1. « Une possibilité aurait été pour ces Gos banques d’acheter des dollars sur le marché (sur le Forex !) mais, vu la masse de dollars qui aurait dû être achetée, le cours de l’euro par rapport au dollar aurait plongé, ce qui aurait provoqué rapidement un tsunami bancaire dans la zone euro. »

    Oui et alors, si c’est la loi de l’offre et la demande ?

    Si le système bancaire a réussi à repousser la dégringolade, c’est qu’il est organisé en cartel ?

  2. Bonsoir,

    Merci pour toutes ces informations précieuse permettant de mieux appréhender, et pour certain mieux se préparer, a ce qui arrive (augmentation de l’entropie!). Pour ma part je n’achète pas de dollars directement, mais j’investie dans la zone dollars, en achetant des titres cotant dans cette monnaie et essentiellement sur le marché américain. Ce qui selon moi revient quand même a protéger mon patrimoine, tout du moins pour cette partie la.

  3. Pour info, BinckBank vient d’informer ses clients de la cloture des comptes en dollars US, tous les comptes chez BinckBank seront dorénavant en Euro…

  4. Zone euro : la bombe à retardement des dettes arrivant à maturité.

    Décembre 2011 :
    La France va devoir emprunter 37,1 milliards d’euros.
    L’Italie va devoir emprunter 22,5 milliards d’euros.
    L’Espagne va devoir emprunter 12,2 milliards d’euros.

    Janvier 2012 :
    La France va devoir emprunter 52,9 milliards d’euros.
    L’Italie va devoir emprunter 15,6 milliards d’euros.
    L’Espagne va devoir emprunter 9,2 milliards d’euros.

    Février 2012 :
    La France va devoir emprunter 35,9 milliards d’euros.
    L’Italie va devoir emprunter 53,1 milliards d’euros.
    L’Espagne va devoir emprunter 14,5 milliards d’euros.

    Mars 2012 :
    La France va devoir emprunter 17,4 milliards d’euros.
    L’Italie va devoir emprunter 44,2 milliards d’euros.
    L’Espagne va devoir emprunter 8,8 milliards d’euros.

    Avril 2012 :
    La France va devoir emprunter 34,4 milliards d’euros.
    L’Italie va devoir emprunter 44,5 milliards d’euros.
    L’Espagne va devoir emprunter 22,7 milliards d’euros.

    Le journal « Der Spiegel » a publié le dessin de toutes ces bombes à retardement : sur ce dessin, les bombes les plus énormes sont les bombes italiennes.

    http://www.spiegel.de/international/europe/bild-800351-287703.html

  5. Bonsoir,

    Puisque vous vous acharnez à essayer de nous faire comprendre comment ça marche, pouvez-vous clarifier ma compréhension de béotienne que je suis dans ce domaine.

    Ce que je comprends c’est que finalement les comptes d’une devises sont étanches par rapport à des comptes d’une autre devise, d’où la nécessité d’échange entre banques qui ont les devises recherchées. Mais ce que je ne comprends c’est si ces transferts restent virtuels (finalement il s’agit de transactions d’ordinateurs à ordinateurs) ou si le problème vient des transferts physiques en camions ou bateaux de billets. Je m’explique : imaginons quelqu’un qui a 100 k€, et demande la conversion en dollar à sa banque, pour acheter un truc en dollar, ou garder ce montant sur un compte. Dans toutes ces étapes il n’y a pas besoin de transférer ni de créer des billets. Où est le problème dans ce cas ?

    Merci pour votre travail pointu et… soutenu !

    1. En fait dans les échanges interbancaires sont informatisés (ex:swift) et c’est une chambre de compensation (ex:LCH Clearnet) qui gère les devises.
      Si j’achète un livre au USA qui coute 20$ depuis ma banque, je serait débité de 15euros, la banque effectuera une transaction swift libellé en dollar vers une banque au USA et c’est chambre de compensation qui répartira les devises. C’est identique (chambre de compensation) pour les actions, obligations, etc…

  6. Bonjour Mr Chevallier,

    Merci pour ce post qui a dissipé mon incompréhension concernant l’approvisionnement en dollars des banques
    européennes via le forex. Donc si je comprends bien le taux de change euro/dollars est maintenu artificiellement
    bas sinon les banques européennes subiront des lourdes pertes sur toutes leurs échéances libéllées en dollars ( le
    taux de conversion évoluant en leur défaveur ).
    Une dernière question me titille cependant. Les opérations en dollars des banques européennes sont censées être
    couvertes par des swaps de change non? Donc l’évolution du taux de change ne devrait pas les impacter trop lourdement.
    Une autre remarque, si l’euro était amené à baisser fortement cela amliorerait la compétitivité de la zone ainsi que
    la balance des paiements et par conséquent ferait entrer des dollars dans les caisses.
    Ma question est donc simple: en quoi une baisse de l’euro serait si catastrophique pour les banques françaises.
    Merci d’avance pour votre réponse qui me permettrait d’avoir une vision claire de la situation globale.

    Cordialement.

    Un ex-gogo qui vous remercie pour votre travail

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