Hypertrophie monétaire : inflation et croissance / déflation et croissance zéro durables

Un problème important et d’actualité : celui de la déflation qu’il faut replacer dans son contexte monétariste

Lorsque se produisent des dysfonctionnements comptables, de l’argent non gagné peut se développer en masse, ce qui est visible dans le gonflement anormal d’un ou plusieurs agrégats monétaires.
C’est alors le début d’une création monétaire qui conduit à terme à une hypertrophie qui risque de ne pas être maitrisable.

Trois exemples notables : le Japon, les Etats-Unis et la zone euro…

Premier exemple : celui du Japon.
Les entreprises japonaises ont connu une croissance très élevée dans les années 60-70 avec des tensions inflationnistes. Leurs bénéfices étaient alors anormalement très élevés car ils étaient gonflés par des enregistrements comptables qui ne donnaient pas une image fidèle de la réalité, à la plus grande satisfaction de leurs dirigeants et des autorités.

Une hypertrophie monétaire s’est ainsi constituée et développée dans l’agrégat monétaire M3-M2.
Les autorités comptables, financières, monétaires et politiques n’ont pas réagi positivement pour la faire éclater car ce microcosme entretient des relations trop étroites en partageant finalement les mêmes intérêts qui conduisent à ne rien faire (pour faire éclater cette bulle).

Aujourd’hui encore, le Japon n’arrive toujours pas à sortir de la déflation (ce qui confirme ce que j’ai écrit il y a un certain nombre d’années), y compris avec la politique monétaire lancée par les Abenomics qui n’a rien à voir avec celle des Reaganomics.
En effet, la baisse des taux de base de la banque centrale et le rachat de bons (QE) ne produit aucun effet positif tant que l’hypertrophie monétaire n’a pas été jugulée, c’est-à-dire tant que subsiste cette bulle en M3-M2.

Pire : en voulant relancer la croissance par une augmentation des dépenses publiques, c’est-à-dire en menant une politique keynésienne, Abe ne fait qu’aggraver la situation.

Le Japon est condamné à une déflation et une croissance zéro durables tant que subsistera cette bulle en M3-M2.

Deuxième exemple : celui des Etats-Unis.
Il est plus récent et mieux connu.
Là encore, ce sont des enregistrements comptables qui ne donnaient pas une image fidèle de la réalité qui ont laissé se développer des bénéfices indus, surtout pour la plupart des grandes banques.

Une hypertrophie monétaire s’est ainsi constituée et développée dans l’agrégat monétaire M3-M2 comme au Japon mais le bombardier furtif B-2 a fait éclater cette bulle avec des dommages collatéraux importants, ce qui a été finalement efficace et salutaire pour tout le monde.

Sur cette base monétaire redevenue saine (avec de l’argent sain), la croissance du PIB des Etats-Unis peut ainsi repartir sans inflation du fait du ralentissement de la croissance dans d’autres pays développés, en particulier dans la vieille Europe continentale et au Japon, cf. mes analyses constantes à ce sujet.

Un petit rappel : l’argent sain est le premier pilier des Reaganomics comme l’avait bien exposé Arthur Laffer.

Troisième exemple : celui de la zone euro.
De l’argent non gagné a été distribué en masse (par démagogie par l’intermédiaire des hommes politiques) dans un certain nombre de pays européens, ce qui a fait gonfler l’agrégat monétaire M1 constitué par l’argent qui se trouve dans les portefeuilles et sur les comptes courants des Euro-zonards : M1 constitue 57 % du PIB dans la zone euro contre 16 % aux Etats-Unis !

Cette hypertrophie de la masse monétaire ne peut pas être résorbée sans dommages considérables. La vieille Europe continentale est donc condamnée comme le Japon à une croissance zéro durable (sur plusieurs décennies), c’est-à-dire en fait à une crise larvée qui est et sera de plus en plus mal supportée.
Elle s’accompagne et s’accompagnera d’une déflation plus ou moins forte, surtout dans les pays qui ont laissé se répandre le plus d’argent non gagné, plus particulièrement ces cochons de pays du Club Med.

L’hypertrophie de M1 (et de M2-M1, qui correspond à l’épargne des ménages qui ont profité de cet argent non gagné pour en épargner une partie) s’est faite, se fait et se fera au détriment de l’agrégat M3-M2 (qui correspond à la trésorerie des entreprises) qui ne représente que 6,3 % du PIB de la zone euro contre 26 % aux Etats-Unis en février 2006 dernier chiffre publié.

Il est maintenant trop tard pour agir. Les Européens sont tombés dans un piège diabolique (plus ou moins tendu par les Américains !) en abandonnant leurs monnaies nationales qui évoluaient dans un système de changes libres qui leur avait pourtant apporté une croissance remarquable, surtout dans les pays du Sud

Un petit rappel d’un principe intangible : une monnaie est celle d’une nation, c’est-à-dire que toute nation doit avoir une monnaie, et inversement. Il ne doit pas en être autrement.

18 réflexions sur “Hypertrophie monétaire : inflation et croissance / déflation et croissance zéro durables”

  1. je vous remercie pour vos excellentes analyses, de longues et difficiles années s’annoncent pour l’épargnant et l’investisseur…cela vas etre dur de ne pas se faire plumer…par l’état!
    il n’y a toujours pas d’offre politique non étatiste proposée en france actuellement…donc pas de solution a l’horizon, c’est assez déprimant.je vais m’ouvrir un chateauneuf du pape pour tenir le coup.

  2. Bonjour
    merci pour vos analyses quasi quotidiennes.
    Encore une fois, j’ai du mal à comprendre cette question d’agrégat monétaire et se dynamique.
    Comme vous êtes ancien professeur, pourriez vous expliquer par exemple pourquoi une hypertrophie en M2-M1
    est quelque chose de négatif alors que le vulgus pecum pensera que c’est bien.
    c’est à dire plus d’argent pour les consommateurs et donc plus d’argent à dépenser et refaire partir la machine économique par une augmentation de la demande.
    Bien sûr avec des risques d’inflation. Est ce que c’est ce dernier élément qui est « léthal » ?
    merci d’avance

    1. Ces formulations sont empreintes de keynésianisme.
      « plus d’argent pour les consommateurs et donc plus d’argent à dépenser et refaire partir la machine économique par une augmentation de la demande »

      L’hypertrophie en M1-M2 est le pendant de l’atrophie en M3-M2.
      Il faut revenir aux concepts comportementaux de rentier et d’entrepreneur.
      L’entrepreneur n’est pas récompensé pour ses prises de risques dans la configuration française actuelle, alors que c’est la prise de risque qui permet l’innovation et in fine le progrès de la civilisation.
      La consommation n’a pas beaucoup d’intérêt en tant que telle excepté du point de vue de l’État qui vole la création de richesse d’autant plus qu’il y’a de transactions.

      Vous pouvez lire ce très bon article de Charles Gave sur le sujet
      http://institutdeslibertes.org/la-mort-des-fourmis-ou-leuthanasie-du-rentier/

    2. Mauvaise allocation des ressources. Si on détourne les bénéfices des entreprises vers les particuliers, l’investissement ne va pas être suffisant. Si on détourne trop d’argent vers les entreprises, les entreprises ne vont pas toujours investir au mieux.

  3. Tiens, ça faisait longtemps qu’un secrétaire d’Etat n’avait pas été mouillé dans un scandale.

    Alors voici le scandale du jour :

    Mercredi 10 septembre 2014 :

    Le secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire est soupçonné d’avoir favorisé les sociétés de proches parents, dont son frère, dans l’obtention de contrats en Midi-Pyrénées.

    C’est la société AWF, qui s’occupe de l’éclairage et de la sonorisation de cérémonies ou de colloques, et qui est notamment gérée, à en croire Le Canard Enchaîné, par le frère, la belle-soeur, le neveu et le cousin de Kader Arif, qui est ici visée. Au total, il s’agirait de 2 millions d’euros (1.730.000 € selon Le Canard Enchaîné) de contrats que la société AWF aurait engrangé de la Région depuis 2008.

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/09/10/01016-20140910ARTFIG00400-kader-arif-ouverture-d-une-enquete-preliminaire-sur-l-attribution-de-marches-a-des-proches.php

  4. Monsieur CHEVALLIER,

    J’avoue être régulièrement surpris lorsque je lis dans certains de vos articles, une analyse très favorable aux Etats-Unis, une indication quant à une croissance qui va repartir, une maîtrise de leurs agrégats monétaires…bref, que ce qu’ils font est bien fait et qu’on gagnerait vraisemblablement à faire comme eux.

    Je vous avoue mon profond scepticisme: le taux de participation au marché de l’emploi est des plus faibles, la distribution de food stamps est élevée, le gaz de schiste va faire pschit d’ici peu, ils s’engagent dans des conflits (enfin, ils y sont engagés depuis longtemps mais là ils accélèrent la cadence) comme en Ukraine, en Irak, dans le Pacifique qui vont là encore leur coûter énormément. Il y aura beaucoup moins de monde à se bousculer au portillon pour acheter la dette US lorsqu’on constate les diverses attaques envers le USD et l’hégémonie US (par ce qu’on peut appeler « l’Orient » puisqu’au niveau de l’UE, on sait bien que ce ne sont que des alliés serviles -cf. FATCA, construction UE, participation à OTAN…-).

    Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, nombre de décisions sont prises en concertation avec les autorités US (dans la même veine que feu Jean MONNET, financier aux services des banques US qui a bien fait son oeuvre pour la mise en place d’un « machin » européen). On a l’impression que l’UE souhaiterait ne plus capter les capitaux des prêteurs pour que ces derniers aillent vers les US qu’ils ne s’y prendraient pas autrement, ou qu’elle accélérait sa déchéance pour, chutant les uns les autres toujours plus bas, les US restent au-dessus du lot, conservant leur hégémonie et faisant tout pour la défendre.

    Bref, même si vous vous placez sur le seul champ monétaire, vous aurez compris que je ne peux partager votre enthousiasme vis-à-vis des US.

    Sincères salutations.

  5. « Il est maintenant trop tard pour agir ».
    Cela veut donc dire que pour vous, la seule solution est la fin de l’euro ?
    Mais cela ne résoudrait pas réellement les problèmes structuraux français. Même si cela rétablirait partiellement notre compétitivité à l’export par dévaluation, cela ne changerait rien aux « distribution d’argent non gagné ». Et encore, ce n’est même pas certain car il faut imaginer que l’Espagne et l’Italie dévaluent également. Au contraire, le bol d’air des dévaluations pousserait nos politiques à réformer encore moins ou pire leur donnerait les moyens de distribuer encore plus « d’argent non gagné » pour compenser les effets violents que les dévaluations auront bien évidement sur le pouvoir d’achat des français. A niveau politique égal, je crains que la sortie de l’euro ne soit pour nous qu’une fuite en avant supplémentaire nous approchant encore plus du gouffre encore plus sombre …

    Ceci dit, on voit bien que la solution de temporisation de la BCE, si elle permet de faire des réformes structuraux dans une partie des PIGS, n’a aucune influence sur la France qui n’en fait qu’à sa tête. Je pense que c’est clairement un effet « too big to fail », la France se considérant comme indispensable en Europe donc apte à être pardonné de toutes les promesses non tenues. D’ailleurs la nomination de Moscovici montre bien qu’à un niveau personnel, nos hommes politiques ne subissent pas les conséquences de leurs actes. Pourquoi prendre des décisions censés et courageuses si elles ne sont pas récompensés à court et à long terme ?

  6. Ouf, saison houleuse, transpiration, sueurs chaudes et froides !!

    Merci, Monsieur Jean-Pierre Chevallier, mais tenez bon, ne vous arrachez pas les cheveux, laissons le mauvais sang faire son œuvre. Votre Blog est d’une richesse incroyable.

    L’Euro, L’Europe, après le non-sens, après la voix sans issue, voici venu le passe muraille ou le casse en marche forcée. Accrochons nos ceintures, et gardons notre calme.

    Croissance Zéro durable !!! Vous arrivez encore à nous décrocher le sourire malgré le triste constat et c’est cela tout l’or du monde !!

    Il y a de grandes chances que vous soyez sollicité par le nombre d’événements dans les aventures folles d’une monnaie plate.

    Alors, au plaisir de vous suivre, et que vos alertes soient vraiment prisent en compte.

  7. Ca y est et c’etait previsible la Chanceliere tape du poing sur la table!! Maintenant tout peut arriver , une envolee du 10 ans, des emeutes, une dissolution, …tout a la fois ! parce que je doute toujours qu « ils » soient capables d entamer la moindre reforme…

    Le scenario de la troika a Paris est de plus en plus probable. Nous vivons des temps revolutionaires. Thatcher va gagner ! 🙂

    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/09/11/20002-20140911ARTFIG00350-deficits-francais-berlin-pret-a-faire-jouer-les-sanctions.php

    Stef

  8. L’argent sur les comptes épargnes????

    je pense que cet argent non gagné est dirigé ailleurs que sur le livret A.

    un point sur les collectes d’épargnes pour finir de tracer tout ça?

  9. Mai 1974 – 2014 : les Quarante Décadentes.

    Quatre ans après le référendum sur le traité de Maastricht, un débat télévisé oppose deux camps :

    dans le camp de ceux qui avaient voté « non » à Maastricht : Jean-Pierre Chevènement, Marie-France Garaud ;

    dans le camp de ceux qui avaient voté « oui » à Maastricht : Jacques Attali, Simone Veil.

    Quand on regarde ce débat 18 ans après, on se rend compte que l’Histoire a tranché.

    18 ans après ce débat télévisé, on se rend compte que Jacques Attali, Simone Veil, et tous les neuneus qui ont voté « oui » au référendum sur le traité de Maastricht avaient tout faux.

    Les partisans du « oui » à Maastricht avaient tout faux, et nous en payons aujourd’hui les conséquences.

    Jacques Attali, Simone Veil, et tous les neuneus qui ont voté « oui » au référendum sur le traité de Maastricht sont les responsables du désastre actuel.

    L’Histoire les jugera.

    L’Histoire sera très sévère avec tous ces irresponsables.

    Lors de ce débat, Jacques Attali prononce ces phrases hilarantes : « Quand on dit que l’Europe de Maastricht créera des emplois, ça reste vrai. Il se trouve que le traité de Maastricht n’est pas encore appliqué. Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera, car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique. »

    C’est à environ 5 minutes 20 :

    http://www.les-crises.fr/debat-attali-veil-garaud-chevenement-sur-leuro-en-1996/

  10. Lu ce jour dans « Challenges » :

    « Comment faire redémarrer l’investissement, actuellement en panne en France ?
    Des entrepreneurs mais aussi des financiers sont réunis à l’Elysée pour les Assises de l’investissement. »

    DITES A HOLLANDE ET SES OUAILLES QUE POUR FAIRE (re)DÉMARRER L’INVESTISSEMENT, ON NE RESTE PAS « ASSIS » !!!! 🙂

    Amicalement.

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