Agrégats monétaires : France (mars 2017)

La Banque de France publie des chiffres des agrégats monétaires qui peuvent être en concordance avec leurs définitions communément admises ailleurs dans le monde mais ce n’est pas certain…
Par ailleurs, il règne un certain désordre dans ces publications : la série des chiffres de la masse monétaire M3 part de janvier 1970, celle de M1 de décembre 1977 et celle de M2 de janvier 1980. Les derniers chiffres disponibles sont ceux de mars 2017.
En admettant qu’ils soient fiables et qu’ils donnent une image fidèle de la réalité, ils confirment ceux de la BCE en faisant apparaitre une hypertrophie monétaire globale létale à terme

Les données les plus pertinentes sont celles qui sont constituées par les chiffres des agrégats par rapport au PIB nominal, et d’abord pour ce qui concerne la masse monétaire globale M3,

Document 1 :

Il apparait clairement sur ce premier graphique que M3 fluctuait dans une bande centrée sur la valeur critique de 50 % par rapport au PIB (avec plus ou moins 5 points d’écarts) à la fin des 30 Glorieuses, et donc pendant cette période faste de forte croissance sans chômage, ce qui est logique.
Par la suite, la part de M3 par rapport au PIB a augmenté en deux paliers pour bondir à partir du début des années 2000 du fait de l’adoption de cette monnaie unique contre nature qu’est l’euro, ce qui correspond à une forte création monétaire qui s’amplifie inexorablement.

C’est logique en effet, car plus l’argent en circulation dans une nation est rare, plus il circule rapidement et plus l’activité est stimulée, ce qui correspond à une croissance forte et au plein emploi, et inversement.

Pour comprendre ces concepts, il suffit de prendre ces deux exemples bien concrets…

Prenons d’abord le cas du paysan de Böhm-Bawerk : dès qu’il a vendu sa récolte, ses billets en poche, il achète une charrue (pour augmenter sa productivité, sa production et ses bénéfices) au vendeur de matériel agricole qui commande 2 charrues à son fournisseur qui commande des socles au forgeron qui commande de l’acier, etc.
L’argent circule ainsi rapidement entre les uns et les autres et tout le monde travaille et gagne de l’argent, comme pendant les 30 Glorieuses.

Prenons ensuite le contre-exemple : celui des paysans indiens qui, après avoir vendu leur récolte, achètent de l’or.
Ils n’augmentent pas leur capital productif ni leur productivité.
En ayant de l’or, ils ont l’illusion de la richesse mais ils ne s’enrichissent pas car l’argent ne circule pas.
Personne ne s’enrichit en Inde, pire même : comme l’or est importé, ces pratiques accentuent le déficit commercial et la faiblesse de la roupie par rapport aux monnaies fortes, ce qui y perpétue la pauvreté.

Dans une situation intermédiaire, si le paysan de Böhm-Bawerk conserve ses billets en les cachant sous son matelas, cet argent ne circulera pas, le marchand de matériel agricole ne vendra rien, etc.
S’il dépose ces billets à la caisse d’épargne, il en sera quasiment de même car cette banque ne peut prêtre qu’une toute partie des dépôts reçus car ils peuvent être retirés sans préavis.

Tout est simple disait Milton Friedman.

En d’autres termes, il s’agit là d’un aspect de la vieille théorie quantitative de la monnaie, ou de la vitesse de la circulation monétaire (V pour Velocity) qui s’énonce de la façon suivante :
M*V = PIB d’où V = PIB / M

Ainsi par exemple, à la fin des années 70 : V = 2 et maintenant V = 1

Cependant, il est préférable d’utiliser maintenant son inverse, à savoir le rapport M / PIB (en pourcentage) car il est ainsi plus facile de mettre en évidence les mécanismes de la création monétaire et d’en trouver les causes et les remèdes.

Un zoom sur la période plus récente permet de mieux voir les deux pics de création monétaire de ces années 2000 avec d’abord ce que l’on appelle la crise dite des sub-prime puis celle qui se développe, pour le moment sans couverture médiatique, depuis 2014,

Document 2 :

En France, la première de ces crises s’est traduite par une hypertrophie des agrégats M2-M1 (l’épargne des ménages) et M3-M2 qui correspond à la trésorerie des entreprises, la seconde par une hypertrophie de l’agrégat M1 (l’argent que possèdent les ménages dans leurs portefeuilles et sur leurs comptes courants),

Document 3 :

M1 se monte presque à la moitié du PIB nominal alors que, par rapport à la situation qui prévaut aux Etats-Unis, M1 aurait dû continuer à baisser pour atteindre 13 % par rapport au PIB,

Document 4 :

La bulle monétaire en M1 est donc de l’ordre de… 800 milliards d’euros !

Document 5 :

Il s’agit là d’un montant considérable qui peut s’expliquer soit par une mauvaise comptabilisation de cet agrégat par la Banque de France comme le font les Marioles de la BCE, soit par des placements de Français sur des comptes bancaires qui ne sont pas assimilés à des comptes d’épargne, soit encore par des dépôts de personnes habitant dans la zone euro désirant placer leur épargne sur des comptes bancaires en France, soit par une combinaison de ces éventualités.

La première source de cette hypertrophie monétaire liée à la crise des sub-prime en France est celle qui se trouvait dans l’agrégat M3-M2 qui correspond à la trésorerie des entreprises.
Elle a été de l’ordre de 200 milliards d’euros en France… seulement
!

Document 6 :

La part de l’agrégat M3-M2 par rapport au PIB sur la longue période fait apparaitre une situation globalement négative de la trésorerie des entreprises jusqu’en 1987.
Par la suite, leur situation s’est améliorée pour atteindre un niveau relatif proche de celui des entreprises américaines,

Document 7 :

La baisse de la part de l’agrégat M3-M2 par rapport au PIB depuis 2011 (l’après sub-prime) peut s’expliquer par le fait que beaucoup d’entreprises placent autant que possible leur trésorerie en dehors de la France, principalement en Allemagne ou en Suisse, de façon à échapper aux conséquences d’un Frexit anticipé.

La seconde source de cette hypertrophie monétaire liée à la crise des sub-prime en France est celle qui se trouvait dans l’agrégat M2-M1 qui correspond à l’argent déposé dans les caisses d’épargne : elle a été de l’ordre de 100 milliards d’euros… seulement !

Document 8 :

Cette première bulle monétaire liée à la crise des sub-prime a donc été de l’ordre de 300 milliards d’euros en France.
Cependant, pour faire éclater cette crise aux Etats-Unis qui s’est transmise aussi en Europe et en particulier en France, les autorités américaines ont déclenché une crise particulièrement importante, la plus grande après la Grande Dépression qui a provoqué des dommages collatéraux considérables.

En conséquence, il est évident que l’éclatement de la bulle de 800 milliards d’euros en M1 ne pourrait se faire qu’en provoquant un effondrement difficilement imaginable de l’économie.

Comme il est impossible de concevoir la continuation de cette création monétaire létale à terme, l’avenir ne peut qu’être sombre dans la zone euro et en France en particulier !

***

Sur la longue période, l’évolution de l’épargne en France est assez déconcertante puisqu’elle a fortement baissé par rapport au PIB dans les années 80, puis elle est revenue à un niveau proche de la norme depuis… cette crise des sub-prime !

Document 9 :

Il peut s’agir là d’une évolution normale si l’on considère que c’est une épargne dite de précaution : les Français ont relativement désépargné dans les années 80 (grâce à une confiance en un avenir qui était ressenti comme pouvant être meilleur) et relativement augmenté leur épargne depuis l’adoption de l’euro en pressentant ainsi un avenir proche inquiétant en lequel ils n’ont pas confiance.

***

Sur la longue période, l’augmentation de la masse monétaire M3 a… baissé, a priori en liaison avec la baisse de l’inflation mais elle reprend de l’ampleur depuis 2014 à cause de l’augmentation de la création monétaire, surtout dans l’agrégat M1

Document 10 :

qui augmente de l’ordre de 10 % d’une année sur l’autre…

Document 11 :

alors que la croissance du PIB nominal est tombée dans les 1 % depuis 2013 !

Document 12 :

Toujours sur la longue période, la croissance du PIB nominal a baissé par paliers avec l’inflation mais pour atteindre un niveau très faible à cause justement de cette création monétaire létale.

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Un petit rappel de ce que j’ai écrit précédemment sur le monétarisme :
L’argent sain est le premier pilier des Reaganomics, or l’argent n’est pas sain dans la zone euro et en France en particulier qui sont condamnés à une crise larvée durable, de tendance déflationniste comme au Japon.
L’analyse de l’évolution des agrégats monétaires est fondamentale pour tout monétariste.
C’est la raison pour laquelle le bombardier furtif B-2, Ben Bernanke, a décidé tout seul, juste avant de prendre ses fonctions en tant que président de la Fed, d’arrêter la publication des chiffres de M3 pour que personne ne puisse déceler le développement de l’hypertrophie monétaire en M3-M2 qui n’est visible que sur les séries d’autres nations comme celles de la zone euro.
Ainsi, les gens de la Fed ont pu piloter en toute quiétude les turbulences financières qui en ont été la conséquence pour restaurer de bons fondamentaux… mais aux Etats-Unis.
Hypertrophie de la masse monétaire, création monétaire, structure totalement hors normes des agrégats, banques qui ne respectent pas les règles prudentielles d’endettement, la zone euro et ses pays membres sont dans une situation qui conduit dans l’inconnu car il n’y a pas d’antériorité à de tels désordres.

Cliquer ici pour accéder aux séries des agrégats monétaires publiées par la Banque de France.
Cliquer ici pour lire mon article de l’an dernier sur le même sujet.

5 réflexions sur “Agrégats monétaires : France (mars 2017)”

  1. Bonsoir Monsieur Chevalier, pette question a vous posez, imaginons que le paysan indien paye sa charrue avec une pièce d’or et à son tour le vendeur de matériel agricole commande deux charrue à son fournisseur qui commande des socles et que cette chaine continue à tournée avec de l’or au final sa ne change rien (or ne dort pas) mais le jour au l’économie indienne viendrait à s’effondrer comment le pesos argentais en 2001 ou peut être comment l’euro un jour, les indiens dans ses conditions peuvent dormir tranquille il fond tournée leur économie avec la sécurité en plus de leur épargne

  2. Le paysan de Böhm-Bawerk ferait mieux d’acheter un semoir de semis direct pour préserver la vie du sol, devenir un paysan « économe » et enfin moins dépendre des fournisseurs de chimies et engrais. Sa petite entreprise sera plus florissante, il pourras consommer plus pour sa vie privée et pourra s’acheter une rolex ou une patek-philippe.

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