L’hypertrophie de l’agrégat monétaire M2 aux États-Unis est considérable : plus de 5 000 milliards de dollars d’argent non gagné se trouvaient encore indument dans les comptes des Américains fin avril 2025… C’est ingérable et létal !
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Pour premier rappel, l’argent sain est le premier pilier des Reaganomics, dixit Arthur, Laffer, ce qui signifie que les ratios des agrégats monétaires par rapport au PIB annuel courant (en pourcentage) ne doivent pas dépasser certaines limites qui sont tirées de l’observation de leur évolution depuis l’après-guerre pour les États-Unis.
Pour rappel, la masse monétaire globale d’une nation notée M3 est la résultante de trois agrégats monétaires…
L’agrégat monétaire M1 est la somme des soldes positifs des comptes courants et des billets et ce ratio M1/PIB (en pourcentage) ne doit pas dépasser 15 % du PIB.
L’agrégat monétaire M2 est constitué de la somme des agrégats M1 et de l’agrégat M2-M1 qui comprend les dépôts dans les comptes d’épargne. Il doit être inférieur à 40 % du PIB.
Enfin, l’agrégat M3-M2 correspond à la trésorerie globale des entreprises et de son équivalent placé dans les fonds mutuels de trésorerie. Il doit représenter moins de 25 % du PIB.
Document 1 :
Ainsi, la masse monétaire globale M3 d’une nation ne doit pas dépasser 80 % du PIB.
Or ce ratio M3/PIB est dépassé depuis la fin du mois de juillet 2007 avec un pic historique à plus de 120 % fin juin 2020 car les autorités ont alors interdit aux Américains de travailler tout en leur transmettant plus de 6 000 milliards de dollars pour qu’ils puissent continuer à vivre normalement, ce qui aura été une erreur (et une manipulation de l’opinion publique) historique, évidemment.
Ce ratio M3/PIB a atteint 109,7 % fin mai dernier, derniers chiffres publiés à ce jour,
Document 2 :
Petit problème : la Fed ne publie plus les chiffres de la masse monétaire M3 depuis que Ben Bernanke a pris sa présidence début février 2006 mais j’ai réussi à la reconstituer, ici représentée par M3r avec un r pour reconstituée, cf. mes articles à ce sujet.
Seules les données de M2 sont publiées mensuellement. L’évolution du ratio M2/PIB présente de fortes similitudes avec le ratio M3r du document 2 ci-dessus.
Ainsi, la norme principale fiable utilisable actuellement est la suivante : l’agrégat monétaire M2 ne doit pas dépasser 55 % du PIB annuel courant… mais il se montait à… 72,7 % du PIB fin mai dernier, derniers chiffres publiés à ce jour !
Document 3 :
Un évènement nouveau vient de se produire au premier trimestre 2025 : les variations des deux ratios, M3r/GDP et M2/GDP viennent de diverger.
En effet, le ratio de la masse monétaire globale M3r par rapport au PIB courant stagne depuis le début de cette année 2025 alors que son homologue constitué par l’agrégat monétaire M2 continue à augmenter,
Document 4 :
L’explication de la divergence de ces ratios est simple : la trésorerie globale des entreprises a baissé au premier trimestre 2025 alors qu’elle était en pleine expansion précédemment !
Document 5 :
Il apparait clairement sur ce graphique 5 que l’augmentation de la trésorerie des entreprises américaines a été anormalement forte après l’année 2020 (marquée par la distribution de 6 000 milliards de dollars par l’État fédéral sans contrepartie de travail), ce qui se retrouve par ailleurs dans l’exubérance irrationnelle des valorisations boursières d’un grand nombre de sociétés cotées en bourse.
La courbe en tirets (en rouge foncé) donne une image qui devrait être plus fidèle de réalité de la trésorerie des entreprises, dans le prolongement du passé.
Il s’agit vraisemblablement de la première manifestation du momentum crash en gestation, aggravé par les tariffs du Donald.
Il est étonnant que personne n’ait relevé cette baisse de… 172 milliards de dollars de cette trésorerie nette des entreprises (Corporate Net Cash Flow), chiffres publiés le 26 juin par le BEA (U.S. Bureau of Economic Analysis).
Pour rappel, la Grande récession de 2008 a été précédée elle aussi par une baisse de la trésorerie des entreprises, ce qui est logique.
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Nous allons prendre en considération ci-dessous les seules données de l’agrégat monétaire M2 car elles sont les seules à être publiées mensuellement…
Evidemment, le montant de l’agrégat monétaire M2 a bondi en 2020 mais après une faible diminution, le plus haut record historique de 21 750 milliards de dollars atteint en avril 2022 a été dépassé depuis le mois de mars et il culmine fin mai à… 21 942 milliards de dollars, derniers chiffres publiés à ce jour !
Document 6 :
La courbe en tirets en rouge foncé sur ce document 6 représente la trajectoire qu’aurait dû suivre ce ratio M2/PIB en respectant sa limite à ne pas dépasser qui est de 40 %, ce qui permet de bien rendre compte de l’hypertrophie monétaire émanant de cet agrégat M2.
Un zoom sur l’évolution du montant de l’agrégat M2 à partir du début de l’année 2019 montre qu’il vient de battre fin mai à 21 942,0 milliards de dollars son plus haut record historique qui avait déjà été atteint… le mois précédent !
Document 7 :
Les variations d’un mois sur l’autre de l’agrégat monétaire M2 se sont accentuées depuis le début des années 2000 avec des amplitudes extraordinaires depuis 2020, à la hausse et à la baisse,
Document 8 :
Un zoom sur la période de 2022 à nos jours montre que le montant de l’agrégat monétaire M2 augmente de mois en mois sur une nette tendance haussière en atteignant 79,6 milliards de dollars fin mai dernier, derniers chiffres publiés à ce jour,
Document 9 :
Le gros problème qui devrait se poser maintenant aux autorités américaines est de faire éclater cette énorme bulle monétaire !
D’après les déclarations de Jerome Powell et d’autres anciens et actuels membres du FOMC, la mesure qui permettait auparavant de faire éclater une telle bulle monétaire en gestation était (relativement) simple : il suffisait d’augmenter le taux de base de la Fed au point de créer une inversion de la courbe des taux, ce qui provoquait immanquablement une récession plus ou moins forte mais suffisante pour rétablir les bons ratios.
Or cette solution ne fonctionne plus maintenant car cette bulle monétaire est trop grosse !
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La vitesse de circulation de la monnaie (velocity), mesurée à partir de l’agrégat monétaire M2, est le rapport entre le PIB annuel courant sur cet agrégat monétaire M2, c’est-à-dire l’inverse du rapport de M2 sur le PIB (en pourcentage), cf. documents 1 et 2 ci-dessus.
Ce concept est rarement utilisé car il est difficilement compréhensible. En effet, seul le principe est pertinent : plus l’argent circule rapidement, plus la croissance est forte, et inversement.
Cette vitesse de circulation de la monnaie baisse depuis un plus haut atteint en 1997 pour plonger à un plus bas historique en juin 2020 à cause de ceux qui ont créé cette histoire de coronavirus !
Document 10 :
Compte tenu de l’hypertrophie de la masse monétaire en 2020-2021, les variations d’une année sur l’autre de l’agrégat monétaire M2 commencent à revenir dans les normes,
Document 11 :
L’augmentation des billets en circulation après 2020 est importante mais elle n’est pas catastrophique.
En effet, l’hypertrophie de la masse monétaire ne provient pas de l’usage intempestif de la fameuse planche à billets mais de la distribution de 4 000 milliards de dollars sous la forme de virements bancaires versés à beaucoup d’Américains et à certaines de leurs entreprises.
La part de ces billets en circulation par rapport au PIB est marginale. Elle est revenue dans les normes.
Document 12 :
Pour information, évolution du total des billets en circulation dont la plus grande partie se trouve en réalité hors du territoire des États-Unis dans des mains qui ne sont pas toujours très propres…
Document 13 :
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Une hypertrophie de la masse monétaire dans une nation a le très gros inconvénient d’être létale à terme car elle y provoque toujours une crise majeure et durable, cf. entre autres l’Allemagne de l’entre-deux guerres et le livre de Pierre Jovanovic à ce sujet : Hitler ou la revanche de la planche à billets !
Par contre, cette même hypertrophie de la masse monétaire a l’avantage de fournir à court terme aux banques des liquidités qui leur permettent de… ne pas faire faillite !
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Pour rappel, l’analyse des agrégats monétaires est la meilleure solution pour piloter l’évolution de l’économie dans une nation et donc pour comprendre les mécanismes qui la rythment.
Ben Bernanke a mis fin à la publication hebdomadaire des chiffres des agrégats monétaires et de l’agrégat monétaire M3 lorsqu’il a pris la direction de la Fed et Jerome Powell a modifié la définition de l’agrégat monétaire M1 en ne publiant plus que mensuellement ceux de M2 qui restent les seules données fiables à ce sujet.
Ben Bernanke et Jerome Powell ont donc fait tout ce qu’ils pouvaient faire pour enduire dans l’erreur à l’insu de leur plein gré tous les analystes monétaristes.
Leur volonté de ne plus publier tous les chiffres utiles des agrégats monétaires en prétendant que ce n’est pas important signifie en réalité qu’ils sont tellement importants qu’ils refusent de les communiquer au bon peuple.
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Ronald Reagan, en contact avec Milton Friedman, avait une bonne culture monétariste et il s’est entouré de conseillers compétents, les Reaganomics qui ont été à la base de la réussite de sa politique économique qui a permis de redresser durablement l’Amérique.
Ce n’est pas le cas du Donald.
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