Banques, leverage et Greenspan pour les nuls (Gos banques et AMF)

Les banques sont des entreprises très particulières dont l’activité principale consiste à prêter de l’argent qu’elles ont (leurs capitaux propres) et de l’argent qu’elles n’ont pas mais qu’elles empruntent, ce qui constitue pour elles des dettes.

Une remarque s’impose : dans cette activité, il n’y a pas de création monétaire mais une circulation monétaire indispensable qui optimise la croissance du PIB et donc la richesse des nations.

Pendant des millénaires, les banquiers (privés) n’ont pas prêté beaucoup plus d’argent que le montant de la fortune qu’ils possédaient.

Au cours des décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, le système bancaire mondial a été globalement fiable, ce qui a conduit les Américains (en fait les gens de la Fed, par l’intermédiaire de ce bon vieux Greenspan dans le cadre de la BRI) à édicter en 1980 la règle prudentielle d’endettement suivante : le montant des capitaux propres des banques doit représenter au moins 8 % du total des dettes. C’est le ratio Core Tier 1.

Il est connu aussi sous son inverse, le leverage (le multiple d’endettement) qui s’énonce de la façon suivante : le total des dettes doit être inférieur à 12,5 fois le montant des capitaux propres.

Il s’agissait là d’une adaptation du gearing, le ratio d’endettement des entreprises non bancaires, bien connu en analyse financière, à savoir le rapport entre les dettes à long terme et les capitaux propres (exprimé en pourcentage) qui doit être compris entre 30 et 50 % pour que les entreprises soient gérées à l’optimum.

En effet, les entreprises (non bancaires) doivent avoir des dettes (à long terme), mais pas trop. Cette règle fixe les niveaux critiques d’une façon empirique mais fiable.

Après les grandes turbulences financières, prédites par lui-même, ce bon vieux Greenspan, a relevé ses exigences en préconisant un leverage au maximum de 10, donc un ratio Core Tier 1 de 10 % au minimum.

C’est simple, tout est simple. Trop simple pour les banksters dont les groupes de pression très influents, de connivence avec les gouvernements, ont réussi à imposer leurs propres règles : une usine à gaz qui leur permet de calculer eux-mêmes leurs propres ratios selon leurs propres méthodes, à savoir les actifs nets pondérés (Risk-Weighted Assets, RWA).

Ainsi par exemple, les banques peuvent acquérir des bons des Trésors, en particulier d’Etats de la zone euro, sans aucune limite car ils sont considérés comme étant des actifs sûrs, sans risques.
Ce qui s’est passé en Grèce, en Irlande et à Chypre a montré qu’il n’en était rien.

Cette méthode d’évaluation des risques par les banques elles-mêmes n’est donc pas fiable comme le montrent par ailleurs un grand nombre de déclarations, en particulier de la BRI.

Pour évaluer les risques des banques à leur juste valeur, les capitaux propres qui doivent être pris en considération ne doivent être que de véritables capitaux propres, c’est-à-dire ceux qui sont apportés par les actionnaires et surtout les bénéfices accumulés, à l’exclusion des intérêts minoritaires et des actions de préférence qui sont, en cas de grandes turbulences financières, généralement souscrites par l’Etat (dont les banques dépendent) qui joue alors un rôle passif dans la gestion de ces banques en attendant leur redressement.

Enfin, pour déterminer le montant des véritables capitaux propres qu’il faut prendre en considération, il faut encore y soustraire les écarts d’acquisition (goodwill) qui sont des pertes potentielles identifiables.

En 2002, ce bon vieux Greenspan avait réussi à imposer aux entreprises de comptabiliser ces écarts d’acquisition en totalité dès leur détection (au lieu de les amortir sur 20 ans comme c’était le cas précédemment), ce qui a permis de mettre fin aux causes qui ont conduit au développement de la bulle internet.

L’application de ces règles permet de déterminer ainsi le montant des véritables capitaux propres des banques, également connu sous l’expression d’actif net tangible.

Le reste du bilan n’est constitué par définition que de dettes (en anglais, le mot passif n’existe pas, il est désigné par Equity & liabilities, capitaux propres et dettes).

Une simple division permet alors de calculer le véritable leverage et une autre son inverse, le ratio généralement connu sous l’expression Core Tier 1.

C’est simple, tout est simple. Trop simple pour les banksters de nos Gos banques qui n’admettent pas que des gens puissent étudier et publier des articles sur ces problèmes bancaires fondamentaux qui ont une importance considérable depuis le temps des grandes turbulences financières : le Tigre celtique a été durement touché, les Grecs sont au plus mal, ainsi que les Chypriotes et la plupart des malheureux Euro-zonards qui souffrent durement d’une crise larvée avec un chômage important.

Les banksters connaissent très bien ces problèmes qui sont vitaux pour eux mais ils ne les abordent jamais sous cet angle, du moins publiquement, ou parfois, incidemment (par ceux qui ont quitté pour une raison ou une autre la direction d’une grande banque).
Ils savent que leur propre banque est dans une situation potentiellement critique et qu’il en est de même dans les autres grandes banques. Ils n’ont pas confiance entre eux.

Le marché interbancaire est donc bloqué et la BCE a été obligée de le remplacer en prêtant aux banques à des conditions très avantageuses jusqu’à 1 261 milliards d’euros fin juin 2012 (722 milliards au dernier bilan), la Banque de France en faisant de même plus ou moins discrètement par l’intermédiaire des Titres de Créances Négociables (TCN) qui ont atteint un pic de 615 milliards d’euros en janvier 2009 (427 milliards au 15 novembre dernier) !

Le total des dettes de nos 4 Gos banques est de 6 581 milliards d’euros, soit plus de 3 fois le PIB annuel de la France alors que le total des dettes des 8 plus grandes banques américaines est de 9 586 milliards de dollars soit 56 % du PIB des Etats-Unis (chiffres du 3° trimestre 2013) !

La situation des Gos banques françaises est dramatique, et par conséquent celle des Français qui en seront les premières victimes.
Toute personne sensée devrait étudier ces problèmes bancaires comme je le fais.

Problème : les gens de l’AMF se sont arrogé le droit d’interdire à toute personne, en France et même dans le monde, de réfléchir sur la situation réelle des banques en général et des banques françaises en particulier, d’en tirer des conclusions et de les publier alors que les mécanos de la Générale publient sciemment des bilans qui ne donnent pas une image fidèle de la réalité pour tromper les investisseurs, leurs clients, les marchés et le public en général, en toute impunité.

C’est grave.

23 réflexions sur “Banques, leverage et Greenspan pour les nuls (Gos banques et AMF)”

  1. Bonjour,

    « ….qui ne donnent pas une image fidèle de la réalité pour tromper les investisseurs, leurs clients, les marchés et le public en général, en toute impunité. » Je dirai plutôt que, conscient de la situation critique dans laquelle ils se trouvent, ils font tout pour la dissimuler aux investisseurs, aux clients, aux marchés et au public en général avec, semble-t-il, la complicité des autorités de tutelle.
    Votre blog, resté jusqu’à ce jour assez confidentiel, vient d’obtenir via la décision de l’AMF une publicité énorme. Les effets ainsi générés ont de bonne chance d’attirer l’attention de ceux-là même qu’on souhaitait voir rester aveugle et sourd sur la réalité économique du secteur bancaire. Le double-effet kisscool risque d’être violent mais pas dans le sens souhaité surtout dans un pays où les marges de manœuvre du gouvernement en matière économique sont nulles: http://www.lepoint.fr/economie/le-redressement-budgetaire-francais-risque-la-sortie-de-route-18-11-2013-1758393_28.php. On peut comprendre que, dans ces conditions, certains cherchent à maintenir coûte que coûte les villages Potemkine (http://fr.wikipedia.org/wiki/Village_Potemkine) qu’ils ont érigés. Mais, quoiqu’ils fassent ou entreprennent, ça restera des villages Potemkine, des façades devant du vide. En cas d’incendie, il ne restera rien.

    Bonne soirée

  2. bonsoir.merci pour ces précisions.

    la prochaine étape semble la mutualisation des dettes bancaires au niveau européen pour retrouver un rapport dettes/PIB europe a peu prés équivalent à ce que l’on a aux états unis.La question que je pose est est ce que les autres pays vont ils vouloir assumer les risques des banques françaises par exemple ? et qu’est ce qu’en dirait le peuple s’il était au fait de ces évolutions ?

      1. Il faut bien que les excédents commerciaux servent à resolvabiliser le système financier. A quoi bon investir, créer de la richesse, des emplois, de la valeur ajourée, tout ça tout ça… Trop abscons.

        Contre toute attente, Angela va devoir bouter hors de ses frontières les gueux européens. 100 ans après les velléités impérialistes de ses aïeux.

        Clin d’oeil de l’histoire ?

  3. « C’est grave. »

    Oui.

    1) L’autorité financière ne fait pas son Job.

    2) Personne n’est capable de rétablir l’équilibre dans ce système bancaire.

    3) les gouvernements n’ont plus la main.

    4) Les monnaies deviennent virtuelles et la valeur aléatoire.

    5) Pas de solvabilité, pas de confiance, pas d’investissements, pas d’emplois et toujours plus d’impôts.

    6) Cela ne peut durer éternellement et ne peut que mal finir.

    7) Si les Banques ne peuvent faire faillite alors le Capitalisme et le marché n’ont plus raison d’être.

    Dite-moi si je rêve…

  4. bonsoir monsieur chevalier, je n’est rien contre ce bon vieux creespan au niveaux des levrage de crédit qu’il a tous fait raison, mais dans les années 70 pour acheter un frigo au une machine a laver le pouvoir de l’époque était tellement bon que les gens payait en cash donc pas de dettes inutile

  5. REMARQUABLE article de JPC. C’est en IUT que j’ai appris ces choses, pas aussi clairement certes. Mais qu’elle n’a pas été ma surprise qu’à Sup de Co aucun prof n’ait été capable de l’enseigner. Pourtant il y avait un ancien de Price WaterHouse diplomé de cambridge, soit un nomenklaturiste. Rajoutons que ces gos banques recrutent des gens de sup de co qui ne comprennent rien à la finance et à la compta. Au vu de cet article doit on retirer nos économies des banques ?

  6. Un ami m’a demandé dernièrement où est-ce que j’avais pu lire Greenspan énoncer une telle règle prudentielle. Je dois avouer qu’après de nombreuses recherches, je suis resté incapable de mettre la main sur les déclarations de Greenspan…

    Est-ce que qqn pourrait me fournir un lien/article/livre/référence où Greenspan parle de ça? Merci!

  7. Vous écrivez « Le total des dettes de nos 4 Gos banques est de 6 581 milliards d’euros, soit plus de 3 fois le PIB annuel de la France alors que le total des dettes des 8 plus grandes banques américaines est de 9 586 milliards de dollars soit 56 % du PIB des Etats-Unis (chiffres du 3° trimestre 2013) ! » et c’ets exact.

    Mais est-ce au PIB de la France qu’il faut comparer la dette de ces 4 banques, ou au PIB de la zone €uro ?
    Il y a alors sans doute un peu plus que 4 banques à prendre en compte. Que représente la dette des plus grosses banques de la zone €uro (de toutes celles qui sont systémiques) , par rapport au PIB de la zone €uro ?

    Si je me fie à vos chiffres (https://chevallier.biz/2013/10/leverage-des-banques-systemiques-mondiales-2%C2%B0-trimestre-2013/), il y a 8 (2 espagnole, 1 hollandaise, 1 allemande, 1 française) banques systémiques dans la zone €uro (BBVA Bilbao, ING Bank, Santander, BPCE, BNP Paribas, Société Générale, Deutsche Bank, Crédit Agricole), qui ont un total de dettes de 11 174 Mds€, soit 116% du PIB de la zone €uros (vers 9600 Mds€ selon eurostat).

    Donc le ratio entre la dette des banques systémiques et le PIB de cette zone est environ 2x plus élevé pour la zone €uros que pour les USA (si ont admet que seules les banques US sont dans la zone dollar), et non 6x plus élevés (300% vs 56%).

    L’impact d’une défaillance d’une de ces banques systémiques serait donc (2x ?) plus important dans la zone €uros que aux USA.

  8. bonjour
    Les banques sont des entreprises très particulières dont l’activité principale consiste à prêter de l’argent qu’elles ont (leurs capitaux propres) et de l’argent qu’elles n’ont pas mais qu’elles empruntent, ce qui constitue pour elles des dettes.
    !!!!!!!
    point sur les i
    Les banques sont des entreprises très particulières dont l’activité principale consiste à prêter de l’argent qu’elles n’ ont pas ( création monétaire) ce qui constitue pour elles des risques d impayé

      1. Le flux financier dans sa valeur actuelle n est alimenter que par la dette qui est elle-même est issus de la création monétaire ou d une réserve fractionnaire
        Les banques privé sous réserve fractionnaire achète de la dette qui placé en actif sert de garantie pour généré du cash
        C est la garantie de l état endetté qui fait fois
        Un simple tour de passe passe
        Le cash rentre dans ce système il n est que carburant ou plutôt pilier immobilisé a jamais dans ce flux ex potentiel
        Je n ose imaginer quant certains vont récupérer leur pilier
        On peut prendre le problème dans tous les sens si on prend le flux en sens inverse a 90 % de M1 M2 M3 ET mm M6 (hic) ce cash vient du flux issus de la dette
        Quant celui cessera les nostalgique des 70 serons servie

        Les prêts sur la BCE ce jour
        20130258 OT EUR 20/11/2013 27/11/2013 7 0.11 % 0.09 % -184 bn Ann.
        All.

        20130255 MRO EUR 20/11/2013 27/11/2013 7 0.25 % 86.8811 bn Ann.
        All.

        20130250 LTRO EUR 13/11/2013 11/12/2013 28 0.25 % 3.1937 bn Ann.
        All.

        20130241 LTRO EUR 31/10/2013 30/01/2014 91 1.9296 bn Ann.
        All.

        20130212 LTRO EUR 26/09/2013 19/12/2013 84 8.6072 bn Ann.
        All.

        20130189 LTRO EUR 29/08/2013 28/11/2013 91 6.8226 bn Ann.
        All.

        20120034 LTRO EUR 01/03/2012 26/02/2015 1092 529.53081 bn Ann.
        All.

        20110149 LTRO EUR 22/12/2011 29/01/2015 1134 489.19075 bn Ann.
        All.

        1) MRO = Main Refinancing Operations, LTRO = Long Term Refinancing Operations,
        On est est a plus de 1100 milliards il me semble et non de 700 et des poussières ?

        Il est amusant de voir le flux des asset grimper au vue des résultat, la fuite est quant a elle énorme sur les ETF or
        Curieux quant mm quant on se dirige une fois de plus vers un mois record sur les achat d or physique sur le SGE de Shanghai

        « La monnaie, c’est l’or ; tout le reste est du crédit », disait le financier JP Morgan. A quoi Keynes, l’économiste, répondait : « L’or est une relique barbare ». Qui a raison : le financier ou l’économiste
        Comme vous dite tous est simple
        Cependant
        Merci mrs Chevallier pour votre remarquable travail

  9. Pour moi, le fond du problème est que ces « embellissements » des bilans des banques, qui a l’origine étaient justes destinés à maintenir la confiance sont devenus des méthodes pérennes et officielles d’évaluation des banques. Le résultat est que si juste après la crise, les banques travaillaient améliorer leur bilan, ces efforts sont complètement terminés. les évolutions récentes semblent montré que les banques cherchent maintenant très peu à améliorer les choses et comptent rester dans cet état. On comprend donc mieux pourquoi les interventions « temporaires » des banques centrales durent aussi longtemps. Elles étaient destinés à permettre au marché bancaires de redevenir sain sans violence avant de disparaître. Comme els banques n’améliorent rien, l’intervention des banques centrales devient permanentes. Pire, la moindre rumeur de moindre intervention amène des turbulences … On est dans encore clairement dans le chantage des Too Big To Fail … Les banques refusent de se réformer et c’est l’économie réelle qui paye les pots cassé avec des taux d’intérêts trop bas pour investir et des liquidités fournit aux banques au lieu de l’économie.

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