Leverage, multiple µ : réalité et comptabilité

Depuis plus de 5 000 ans, par définition, les banquiers prêtent de l’argent qu’ils n’ont pas mais qu’ils ont emprunté préalablement.

Pour pouvoir emprunter de façon à prêter, la confiance doit régner entre les partenaires. Pour cela, les banquiers doivent avoir beaucoup de capitaux qui leur appartiennent en propre. C’est une condition nécessaire, incontournable.

Pendant des millénaires, les banquiers n’ont pas pu prêter beaucoup plus d’argent qu’ils n’en possédaient.
A la fin du XX° siècle, la confiance était grande dans le système bancaire. Les gens de la Fed ont admis que les banques pouvaient avoir des dettes représentant 12,5 fois le montant de leurs capitaux propres.
C’est le leverage, le multiple µ et son inverse : le ratio Tier 1 d’origine qui doit être supérieur à 8 %
.

Après les turbulences financières de ces dernières années, ce bon vieux Greenspan a ramené ce multiple µ (leverage) à 10.

Les capitaux propres doivent être bien réels : le capital apporté par les actionnaires plus (+) les bénéfices accumulés, et rien d’autre.
Les actifs doivent donc être financés par les capitaux propres et des dettes.

Dans ces conditions, les dettes sont tout ce qui n’est pas capitaux propres, du fait du principe de comptabilité en partie double. Cette distinction est fondamentale, irréfragable.

Les Américains ont bien compris en général ces problèmes. Les big banks US too big to fail respectent maintenant ces principes.

Les dirigeants des grandes banques européennes ne veulent pas les appliquer car ils n’ont pas assez de capitaux propres et ils ne veulent pas les augmenter car cela ferait baisser leur cours et leurs ratios de rentabilité.

Ils ont donc fait adopter des règles comptables qui leurs permettent de tricher, c’est-à-dire de faire passer des dettes en tant que capitaux propres et d’autres règles plus complexes.
En particulier, ils peuvent acquérir dans leurs actifs des bons de Trésors sans devoir avoir en contrepartie les capitaux propres nécessaires sous le prétexte que ce sont des titres sans risques, ce qui ne correspond plus à la réalité, surtout pour les PIGS.

Les grandes banques européennes respectent donc les règles comptables (IFRS, US GAAP) mais pas les principes bancaires alors que les big banks américaines et les banques suisses (privées et cantonales) respectent tout.

Les comptes des entreprises doivent donner une image fidèle de la réalité. Lorsque les règles comptables ne le permettent pas, il se produit toujours une situation qui dégénère et qui provoque à terme une crise.
Alan Greenspan a toujours bien analysé ces problèmes. Quand il présidait la Fed, il attendait que les crises se développent pour imposer les bonnes règles qui étaient alors acceptées (car elles permettaient de résoudre ces crises).

Les comptes des big banks européennes too big to fail ne donnent pas une image fidèle de la réalité.

Il y a tromperie de la part de leurs dirigeants dans la mesure où ils ont réussi à faire adopter de mauvaises règles… qu’ils respectent.

Quand des banques comme la Société Générale qui ont un leverage réel de 50 annoncent triomphalement des ratios de 28x en US GAAP et un ratio Tier 1 (Bâle 2) de 11,3, c’est grave car leurs dirigeants trompent sciemment les investisseurs crédules qui ne vérifient si les comptes donnent une image fidèle de la réalité.

Cliquer ici pour lire la réponse de la Société Générale à mon article précédent.

8 réflexions sur “Leverage, multiple µ : réalité et comptabilité”

  1. en tout cas, votre article concernant le leverage réel de la société général semble avoir été repris par vos collègues Anglo-Saxon et a forcé la SocGen à apporter une réponse.
    Bravo!

  2. Dans les banques US comment sont affectés les maisons saisient ?
    Et sur quelle base de prix puisque la bulle immobilière continue de dégonflée ?

  3. Donc, si je comprends bien – et merci pour ces explications qui me semblent bien claires -, la Société Générale prête (à des particuliers, à des institutions) pour 50 fois son capital propre, argent qu´elle emprunte aux Banques centrales mais aussi par le biais de ses propres obligations.
    Et donc, si je comprends toujours bien, si 2% des emprunteurs de la Société Générale font défaut. Tout son capital y passera pour rembourser ses créditeurs et n´aura pas d´autre choix que de se mettre en défaut.

    J´ai bon ? 🙂

    1. « Je me pose cette question : la baisse du montant des actions influe t elle sur les capitaux propres ou non ? »

      Réponse :
      « Les capitaux propres doivent être bien réels : le capital apporté par les actionnaires plus (+) les bénéfices accumulés, et rien d’autre. »

      Donc :

      Si (capital apporté par les actionnaires plus) baisse
      Alors (capitaux propres) baissent

      CQFD!

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