Résolution monétariste du conundrum de la faiblesse des taux, de la croissance et de l’inflation

Les rendements de bons à 10 ans de Trésors d’Europe continentale sont devenus négatifs ou proches de zéro, ceux d’échéances plus courtes sont même négatifs depuis plusieurs mois.
Jadis, c’était inenvisageable. Maintenant, c’est devenu une réalité et ces tendances s’accentuent.

La croissance du PIB est à zéro depuis plusieurs années dans la plupart des pays de l’Europe continentale, négative même dans certains pays.

L’inflation est à zéro, négative même dans certains pays d’Europe continentale et c’est peut-être déjà une déflation bien ancrée.

Rien ne va plus. Plus personne n’y comprend rien, sauf quelques rares monétaristes…

Pourquoi ?
Parce que, comme je l’ai écrit à maintes reprises, une gigantesque bulle monétaire s’est développée dans la zone euro : de l’ordre de 4 500 milliards d’euros et elle se développe encore actuellement avec plus de 100 milliards supplémentaires par mois.
Elle est bien visible dans l’agrégat monétaire M1 qui est ainsi considérablement hypertrophié
.

C’est là le résultat de dysfonctionnements engendrés par l’existence de cette monnaie unique contre nature qu’est l’euro.
En effet l’argent n’est plus sain dans la zone euro car de l’argent non gagné a été distribué en masse, et continue à l’être.
Il se trouve dans les portefeuilles et sur les comptes bancaires des Euro-zonards, c’est-à-dire en M1.

Pour bien comprendre ce phénomène, il faut bien savoir distinguer l’argent sain de l’argent non gagné…
L’argent est sain lorsque celui qui le reçoit fournit en contrepartie un bien ou un service qu’il a contribué à créer à un prix librement consenti par l’acheteur : celui du marché, intégrant les coûts réels.
L’offre est égale à la demande. L’équilibre est réalisé.

Inversement, l’argent n’est pas sain lorsque celui qui le reçoit ne fournit pas en contrepartie un bien ou un service qu’il a contribué à créer à un prix librement consenti par l’acheteur qui ne le paie donc pas à ses coûts réels.
L’argent sain est le premier pilier des Reaganomics.
C’est simple. Tout est simple.

Concrètement, d’où vient cet argent non gagné ?
En France, les fameux services publics qui étaient si chers à Chirak et que le monde entier nous enviait parait-il, sont la source principale d’argent non gagné.

Ainsi par exemple en est-il des services de bus qui circulent sans personne à l’intérieur : le conducteur est payé ; l’argent qui se trouve dans son portefeuille et sur son compte bancaire ne provient pas de clients ayant payé leur ticket mais de subventions payées par une administration publique surendettée qui a elle-même emprunté de l’argent pour payer ces services et prélevé un peu d’argent aux contribuables sous forme d’impôts iniques, et pour une petite partie par les clients.

Au fil des années se sont développés de tels services et des organismes bidon qui n’ont aucune utilité mais qui reçoivent des subventions provenant parfois de taxes créées à cet effet.
Un parasitisme tentaculaire s’est développé en faisant vivre une masse d’électeurs affidés de l’UMPS.

Avant, c’est-à-dire avant l’adoption de l’euro, dans le système de Bretton Woods, de tels errements politiques étaient immanquablement sanctionnés par une dévaluation quelques mois après (leur création). Tout le monde le savait, y compris les ménagères.
Par la suite, dans le système de changes libres, le franc faiblissait quand de tels dérapages se produisaient, ce qui faisait réagir rapidement et positivement tous les partenaires.
L’inflation et les dévaluations étaient un combat monétaire sans fin.

Depuis l’adoption de l’euro, ces mécanismes autorégulateurs n’existent plus, surtout dans la mesure où les excédents de la balance commerciale, en particulier ceux de l’Allemagne, permettent d’occulter ces dérives.
Pire : plus la croissance est faible, plus les gouvernements développent ce qu’ils appellent des aides qui ne font qu’aggraver le mal.

La croissance est faible dans la zone euro. Les anticipations sont celles d’une croissance faible tendant vers zéro an Allemagne. Les taux ont donc tendance à baisser (en tendant eux-aussi vers zéro) d’autant plus rapidement que la situation peut dégénérer en un €clatement qui produira des dommages collatéraux considérables.

Croissance zéro, taux zéro, donc inflation zéro avec le risque de déflation létale.

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Schumpeter avait prédit que le capitalisme libéral pouvait sombrer petit à petit à cause du développement d’une population non directement productive, parasitaire.
C’est ce qui se produit dans la vieille Europe continentale.
Sur le long terme, il n’y a pas de baisse tendancielle du taux de profit ni de la productivité, ni de la croissance, ni des taux, mais une tendance à moins de capitalisme libéral, donc, moins de profit, moins de productivité globale, moins de croissance, donc des taux très bas.
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Un petit rappel élémentaire s’impose : d’une part, il est normal que les investissements soient financés par des emprunts amortissables sur leur durée de vie, d’autre part, tout investissement est destiné à augmenter le capital, donc la productivité. Ils doivent donc être rentables à terme.

Les investissements publics n’échappent pas à cette règle : les dettes publiques ne devraient financer que des investissements qui doivent être rentables pour la collectivité.
Or, ce n’est généralement plus le cas car les dettes publiques servent à payer des dépenses courantes (des aides dites sociales) et à rembourser des dettes publiques arrivées à échéance.
La comptabilité publique ne répond pas à la logique économique, ce qui conduit à accentuer les problèmes au lieu de les résoudre.

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Les rendements des bons à 10 ans de Trésors sont à la base de tous les autres marchés.
Logiquement et normalement, ils doivent fluctuer dans la bande des 3 %, c’est-à-dire être en concordance avec une inflation optimale de 1 à 1, 5 % (pour éviter les risques de déflation et d’inflation incontrôlable) et une rémunération de père de famille de 2 à 2,5 %.
Les Notes à 10 ans sont proches de cet optimum, mais à un niveau inférieur à cause des risques de l’€ffondrement.
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Encore un petit rappel : la politique monétaire accommodante de la Fed, dite QE, ne fait pas marcher la planche à billets comme le montre clairement une analyse élémentaire de son bilan : elle a fait circuler l’argent qui a été mis en réserve dans ses coffres par les banques (et les entreprises) en rachetant des titres, ce qui est normal même (dans le cadre du monétarisme) si les sommes concernées portent sur des montants inhabituellement élevés (4 000 milliards de dollars).

Le QE des Marioles de la BCE est tout à fait différent de celui de la Fed : il repose sur un tour de passe-passe, un effet de cavalerie qui consiste à payer les titres achetés par la BCE par les dépôts en retour des banques à la BCE, alors que le marché interbancaire de la zone est bloqué.

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En arrimant le franc suisse à l’euro, le triumvirat qui dirige la BNS entraine les petits Suisses dans un avatar de résurgence d’un serpent monétaire européen qui les fera plonger dans l’€ffondrement.
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Je reprends ici le mot de conundrum utilisé par ce bon vieux Greenspan dans le chapitre 20 de son livre, The age of turbulence dans lequel il traite de ce conundrum de la baisse des taux
Les débats d’idées ont été très intenses au XX° siècle, ce qui n’est plus le cas maintenant : c’est le règne du copier-coller, de la pensée commune, de l’absence d’idée, de raisonnement, du Panurgisme.

La culture monétariste n’est plus diffusée mais elle est toujours appliquée judicieusement par les gens de la Fed !
Tout est simple, et clair…

13 réflexions sur “Résolution monétariste du conundrum de la faiblesse des taux, de la croissance et de l’inflation”

  1. Les Suisse n’ont pas de dette publique (environ 30% du Pib)et pourtant il sont en déflation.Comment expliquer ça,si c’est possible?

  2. Quelques remarques, si vous me permettez :

    — vous parlez d’inflation nulle, voire de déflation létale en € zone. Si une déflation est bien une baisse généralisée et incontrôlée des prix, due à une contraction de la masse monétaire, dans ce cas, comment expliquer cette tendance « déflationniste », alors que la masse monétaire explose ? J’aurais tendance à croire que « le M1 des vrais gens » s’est effectivement tendu et que la seule chose dangereusement en déflation est l’intelligence. Mais ça n’est pas une analyse très fine. J’en ai conscience. Mais alors… pourquoi (ou pour qui ?) est-ce létal ?

    — dans le cas des collectivités locales, la lecture de leurs budgets montre que l’essentiel de leurs emprunts sont liés à des projets d’infrastructures (gares TGV à Tataouine-lès-Oies, projets « un musée par habitant », fibre optique du mauvais côté de la fracture numérique, lignes de tramways vers l’infini budgétaire…), donc aux bénéfices directs ou indirects des grandes entreprises et des grandes banques (mais que font-elles de tout cet argent !?), bien plus qu’aux chauffeurs de tram ou autres gardiens de musée vide.

    — dernier point : le capital N’EST PAS productif !!! Non non non, ce sont les gens qui travaillent, car des ressources (le capital, la formation, le temps d’accès au lieu de travail en bus, les matières premières, la garde de bébé par mamie… par exemple) leurs sont allouées, qui permettent la productivité.

    Vous êtes sans aucun doute le seul analyste monétariste digne d’intérêt, mais question politique, les choses me semblent moins simples que vous les sous-entendez. Je pense, avec un immense respect pour vous et votre travail, qu’ajouter les vrais gens (la population non directement productive et parasitaire) comme facteur du problème monétaire ou économique est une grave erreur d’appréciation car, à la fin, ce sont CES GENS, qui brandissent des têtes au bout des pics.

    Et Dieu sait que les pics ont souvent raison… à la fin.

    1. « dans le cas des collectivités locales, la lecture de leurs budgets montre que l’essentiel de leurs emprunts sont liés à des projets d’infrastructures (gares TGV à Tataouine-lès-Oies, projets « un musée par habitant », fibre optique du mauvais côté de la fracture numérique, lignes de tramways vers l’infini budgétaire…), donc aux bénéfices directs ou indirects des grandes entreprises  »

      Toutes les infrastructures que vous citez sont subventionnees… C’est donc de l’investissment non productif puisqu il genere des deficits et toujours plus de dettes. Cf. l aventure du rail francais: RFF+SNCF
      C’est exactement ce qu’explique M. Chevallier.

      Au detriment des pauvres cretins qui doivent payer pour le peu d’usagers qui prennent le train ou qui visitent des musees

      les benefcies des grandes entreprises se font a l’etramger dorenavant… mais elles ont bien profite du clienteslime de vos elus. Un bel exemple de capitalisme de connivence.

      Cheers
      Stef

  3. L’une de vos conclusions la plus complète et précise à ce jour, Monsieur Chevallier. Exellent !

    Rajoutons:

    L’argent ne circule pas en EU pour cause d’insolvabilité du marché interbancaire.

    Les banksters sont en première loge, et ne me dites pas qu’ils ne savent pas compter…!

    Quant à ceux qui font toujours semblant de ne pas comprendre, surtout ne changer rien, il faut d’abord plumer le pigeon avant de le rôtir.

  4. Population parasitaire, c’est quand même du lourd,… Surtout en mettant sur un piedestal la FED. Mais le plus incroyable c’est de ne pas voir les réelles raisons de la déflation, elles sont pourtant claires.
    -La démographie
    -L’immigration de masse
    – La robotisation et l’informatisation

    Et je suis convaincu que d’une seule chose, le capitalisme n’est qu’un système du bulle, il ne vit que la dessus, le reste ce ne sont que des explications de technicien de la finance.

      1. Bonsoir,

        Vous oublier cher @ grosbb, la productivité, (par exemple en secteur hospitalier la différence de productivité est de l’ordre de 30 % entre le secteur public et le secteur privé), ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
        Cette différence fait que l’on ne paie pas le bon prix, pour des prestations identiques à tarif fixé.
        Et l’irrévocabilité des fonctionnaires de tous poils.
        L’état ne devrait se consacrer qu’à ses fonctions régaliennes. Le reste c’est pour le privé.
        La Socialie c’est l’URSS en pire.

        1. Et il ne faut pas confondre la réalité d’un travail et d’un service avec son utilité réelle (fixé par un ^prix de marché librement consenti et non décrété et payé par des impôts indirectement). Les fonctionnaires et assimilés travaillent vraiment et sont souvent pleins de bonnes volonté mais bien souvent ne créent aucune richesse pour le pays. J’ajoute que nos gouvernement préfère payer les gens du privé à ne pas travailler pour acheter une paix sociale à court terme en augmentant le coût du travail des autres donc augmenter le chômage donc les besoins d’aides.

  5. Monsieur Chevallier vous oubliez l’évolution des dettes publiques.Il n’y a pas d’argent plus sain aux USA qu’en Europe,leur dette publique explose comme la notre.L’allemagne semble etre le seul pays a avoir un fonctionnement monétaire et économique sain

    1. Relisez ses postes. Il dit qu’aux USA, cet argent publique de la dette est parti vers les entreprises (M2) donc pour acheter des biens ou des services, donc de la création de richesses. De plus, cela permet à ces sociétés d’investir, ce qui est toujours la croissance de demain.

  6. Encore de l’eau au moulin de Jean-Pierre CHEVALLIER :

    USA-Les régulateurs financiers épinglent trois banques étrangères :

    Les autorités de régulation du système financier aux Etats-Unis ont jugé lundi insuffisants les plans préparés par trois banques étrangères, dont BNP Paribas, pour faire face à une éventuelle crise.

    Elles réclament à BNP Paribas, Royal Bank of Scotland et HSBC de renforcer leurs dispositifs sous peine de s’exposer à des mesures.

    Aux yeux de la Réserve fédérale et de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’instance fédérale chargée de l’assurance des dépôts bancaires, les plans présentés par ces trois établissements comportent des failles et des « progrès importants » sont nécessaires.

    Les régulateurs pensent que ces banques pèchent par excès d’optimisme dans leurs programmes censés leur permettre d’affronter une crise sans le soutien de la puissance publique.

    Ils ont formulé en août des critiques similaires contre 11 grandes banques américaines.

    Ces régulateurs peuvent réduire les activités d’une banque passé un délai de deux ans après avoir rendu leur avis, le temps pour l’établissement concerné de rectifier les problèmes. (Douwe Miedema; Bertrand Boucey pour le service français)

    http://www.zonebourse.com/ROYAL-BANK-OF-SCOTLAND-GR-10759239/analyses-broker/USA-Les-regulateurs-financiers-epinglent-trois-banques-etrangeres-20073189/?countview=0

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