Ecarts d’acquisition

Les bulles qui éclatent ensuite en crises ont généralement pour cause des règles comptables qui conduisent à ce que des bilans ne donnent pas une image fidèle de la réalité, dixit ce bon vieux Greenspan qui attendait d’être en position de force (en attendant le creux de la crise) pour imposer sa solution.

Ainsi en a-t-il été de la bulle internet au début de ce siècle, ce bon vieux Greenspan en profitant pour imposer de nouvelles règles concernant l’enregistrement des écarts d’acquisitions.

Je reprends ici un document dont la première rédaction remonte à 10 ans environ. L’histoire se répète mais maintenant sans l’intervention de ce bon vieux Greenspan

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A la fin des années 90′, de graves dysfonctionnements ont été observés dans les comptes des entreprises qui ont fait apparaître des bénéfices anormalement élevés par rapport à la réalité. Pour y remédier, de nouvelles règles comptables ont été adoptées, aux Etats-Unis du moins. C’est le cas en particulier pour les écarts d’acquisition ou survaleurs (goodwill en anglais).

Quand les dirigeants d’un grand groupe décident d’acquérir une entreprise, l’opération est comptabilisée en immobilisation au bilan, par exemple pour 10 000.
S’il s’avère que cette immobilisation n’a en fait presque aucune valeur, 1 000 par exemple, seule cette valeur réelle doit être inscrite en immobilisation pour que le bilan puisse donner une image fidèle de la réalité.

L’écart entre la valeur d’acquisition et la valeur réelle, 9 000 (soit 10 000 – 1 000) doit être enregistré au bilan au côté des immobilisations en tant qu’écart d’acquisition pour ce montant et sous cette dénomination.

Cet écart d’acquisition correspond à une perte de 9 000 qui doit ensuite être comptabilisée en tant que telle au résultat et venir en déduction du résultat net final.

La dépréciation des écarts d’acquisition doit porter sur la totalité de ces écarts dès qu’ils sont constatés pour que le résultat donne une image fidèle de la réalité.

Elle doit être enregistrée après la détermination de l’impôt sur les bénéfices des sociétés car cette perte (provenant d’une erreur de gestion) ne doit pas affecter le montant de l’imposition normale sur les opérations ordinaires.
L’application de ces règles s’impose aux Etats-Unis depuis le 1° janvier 2002 (donc à partir des exercices 2001). Une grande partie de la baisse des bénéfices des entreprises américaines en 2001 et 2002 s’explique par l’enregistrement de ces goodwills (et autres write-offs).

En France, l’ancienne réglementation comptable n’a été modifiée que tardivement : les écarts d’acquisitions (qui étaient jadis négligeables) ont continué à être amortis sur… 20 ans !
Ainsi, les comptes d’un grand nombre d’entreprises françaises ne donnaient pas une image fidèle de la réalité. Les capitaux propres y étaient artificiellement majorés. Les conséquences des erreurs de gestion de certains dirigeants étaient diluées sur 20 ans et elles n’ont pas été sanctionnées.

Il n’en est pas de même aux Etats-Unis où les dirigeants fautifs ont été licenciés, certains ont été condamnés pour avoir tenté de dissimuler leurs fautes, et ceux qui ont fait des opérations frauduleuses sont en prison…

Rien de tel en France ! Les dirigeants de France Télécom ont été à l’origine d’écarts d’acquisitions considérables en investissant à tort et à travers dans des opérateurs pour plusieurs dizaines de milliards d’euros. Pour éviter de faire tomber France Télécom en faillite, des règles comptables parfaitement justifiées n’ont pas été appliquées en France.

Ainsi, des dysfonctionnements graves affectaient en toute régularité un grand nombre d’entreprises françaises qui ont été handicapées pour de nombreuses années alors que la situation a été assainie aux Etats-Unis et ailleurs en 2002. Les entreprises américaines sont bien reparties et elles ont dégagé par la suite des bénéfices en forte croissance.

5 réflexions sur “Ecarts d’acquisition”

  1. Le fisc ne confond jamais valeur de transaction d’un fond et valeur réelle s’il y a des écarts ils sont rectifiés en droit d’enregistrement et le comptable est obligé d’inscrire les vraies valeurs , c’est lorsqu’il n’y a pas contestation que les écarts peuvent dormir en l’état , il appartient alors aux actionnaires de se positionner.

  2. Une des premières corrections à effectuer en analysant le bilan d’une société est de retraiter ces goodwill.
    (et il n’y a pas que celle-ci d’ailleurs !)

    Je ne pense pas que beaucoup d’investisseurs avertis soient abusés par des «  »capitaux propres artificiellement majorés » en n’en tenant pas compte….

    Je n’irais pas jusqu’à dire que la comptabilité aux normes US impliquera nécessairement que « le résultat donne une image fidèle de la réalité » (sinon à quoi serviraient toutes les annexes, le détail du hors bilan, etc.) mais c’est au autre débat. La réalité est hélas complexe, et difficile à réduire à un seul chiffre.

  3. remarquable article. La France est ce pays où de tristes sires sévissent dans les entreprises. A quoi servent les cabinets d’audit, les experts comptables si les comptabilités sont fausses. Le cas de France telecom est symptomatique de notre société. Se débarasser de ceux qui disent la vérité et favoriser la carrière des escrocs. L’ancien pdg de FT Michel Bon devrait croupir au chômage longue durée. Ainsi que bcp de manager. Il n’en est rien. C’est même le contraire.

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