Monétarisme : Fed / BCE, politique monétaire et propagande euro-zonarde

Mes analyses, surtout les plus récentes sur les banques, ne sont évidemment jamais reprises par ailleurs car elles vont à l’encontre de la propagande euro-zonarde.
Cependant, les Américains, du moins ceux qui sont les plus influents (c’est-à-dire ceux qui exercent les principales responsabilités dans les banques et dans certains organismes officiels ainsi que les bons spéculateurs) les ont faites avant moi et ils connaissent donc bien la situation réelle de la zone euro.

Il est quand même étonnant que la nomenklatura euro-zonarde s’obstine à dénier la réalité.
Ainsi par exemple, la politique monétaire menée par la Fed n’a rien de commun fondamentalement avec celle qui est menée par les Marioles de la BCE

La Fed avait mercredi 21 février dans ses actifs pour 4 348 milliards de dollars de titres, ce qui est considérable mais en diminution,

Document 1 :

Ces titres sont des bons du Trésor américain et des titres hypothécaires.

L’acquisition de titres est normale dans le cadre d’une politique monétariste car il s’agit de l’un des deux moyens pour faire baisser les taux, ce qui permet de réduire les charges financières des investisseurs qui empruntent, ce qui facilite (théoriquement) la relance de la croissance, ce qui est l’objectif final recherché.
Cependant, cette politique monétaire dite d’open market, devrait être marginale, ce qui est loin d’être le cas.

Le problème est alors le suivant : comment les achats de ces titres sont-ils financés ?

La réponse se trouve bien entendu au passif : par 2 500 milliards de dollars de dépôts d’institutions financières et par 1 500 milliards de dollars de billets en circulation (dont plus de la moitié se trouve hors des Etats-Unis !),

Document 2 :

Ce sont les 2 500 milliards de dollars de dépôts d’institutions financières auprès de la Fed qui sont hors normes, surtout depuis l’été 2011, c’est-à-dire depuis le début de la manifestation de l’€-crise,

Document 3 :

Ces dépôts anormalement élevés proviennent a priori de banques qui ont pu restaurer des disponibilités après la Grande Récession et aussi et surtout des caisses d’épargne.
En effet, les Américains, percevant que quelque chose n’allait pas bien quelque part (en fait l’€-crise), ont augmenté (surtout depuis 2011) leur épargne de précaution qui atteint maintenant plus de… 10 000 milliards de dollars !

Document 4 :

Comme les caisses d’épargne sont obligées de conserver une partie importante des dépôts par précaution, une partie de cet argent disponible est ainsi déposée auprès de la Fed.

Le raisonnement doit alors être inversé : le fait initial est l’augmentation hors normes des dépôts par les institutions financières.
Les membres du FOMC se trouvant alors avec une masse considérable d’argent disponible, ont fort judicieusement décidé de faire circuler cet argent en acquérant des titres
.
Ils ont donc appliqué un principe de base du monétarisme : plus la vitesse de circulation de la monnaie est forte, plus la croissance est forte, et inversement.

En faisant ainsi circuler les dépôts d’institutions financières auprès de la Fed, ils ont contribué à doper la croissance du PIB.
Ces dépôts d’institutions financières proviennent des Américains (les ménages) qui épargnent (trop) l’argent qu’ils gagnent et des entreprises qui ont restauré des bénéfices très importants.

La situation dans la zone euro est tout à fait différente de celle des Etats-Unis et même à l’inverse à la limite dans la mesure où ce sont les Marioles de la BCE qui apportent… 3 500 milliards d’euros à des banques, répartis en 800 milliards de prêts et 2 700 milliards de rachats de titres,

Document 5 :

Une remarque : les 376 milliards d’euros de réserves en or ne devraient pas figurer dans le bilan de la BCE car cet or appartient aux Etats membres de la zone et non pas aux Marioles de la BCE !

Comme pour la Fed, le problème est alors le suivant : comment les achats de ces titres sont-ils financés ?

La réponse se trouve bien entendu au passif : par 1 148 milliards d’euros de billets en circulation (dont 500 à 600 milliards issus de la planche à billets !) et par 1 987 milliards de dépôts d’institutions financières qui ne proviennent pas de disponibilités détenues en propre par ces établissements mais des prêts et achats de titres par la BCE par des jeux d’écriture de pure cavalerie,

Document 6 :

Les aspects sont trompeurs : il faut savoir d’où provient l’argent des actifs de la Fed et de la BCE !
Il est évident que la Fed n’a pas prêté 800 milliards aux banques américaines, qui n’ont pas besoin pour la plupart d’emprunter au jour le jour car elles ont toujours des disponibilités abondantes (le marché interbancaire ne porte que sur… 68 milliards de dollars !) alors que les banques de la zone ont impérativement besoin des apports de 3 500 milliards d’euros de la BCE pour survivre (car le marché interbancaire y est bloqué) !

Pire, des administrations publiques et des capitaux étrangers (de pays musulmans producteurs d’hydrocarbures) doivent apporter 500 à 600 milliards à la BCE pour que des banques puissent survivre car les dépôts en retour ne couvrent pas les apports de la BCE !

Par ailleurs, la nomenklatura euro-zonarde se trompe complètement quand elle prétend que des taux bas (obtenus entre autres par des rachats de titres) permettent de relancer la croissance.
En effet, les taux sont bas dans la zone, et même négatifs (!) parce que les gestionnaires de capitaux (en particulier des trésoreries des entreprises) préfèrent les placer en bons du Trésor, allemand de préférence car ce sera une créance en deutsche marks en cas d’€clatement !

Document 7 :

Des taux négatifs, ça n’existe pas, c’est impensable, inimaginable, inconcevable.
Ils signifient que le plus grand désordre règne dans la zone euro qui est au bord du gouffre (ce qui explique que les taux y sont anormalement bas).

6 réflexions sur “Monétarisme : Fed / BCE, politique monétaire et propagande euro-zonarde”

  1. La nomenklatura et ses obligés, profiteurs et bénéficiaires se moquent de tous ces problèmes anxiogènes. Trop préoccupés à ricaner à la machine à café en racontant que tout va bien dans leur vie. Mais certains sup de co faisant carrière dans la finance en particulier chez Dexia doivent suivre ça de près et répercuter leur propres analyses sur leur compte fècebook.

  2. Bonjour M.Chevallier,

    Merci pour vos analyses très intéressantes. Suite au visionnage d’une conférence sur la stagnation séculaire dans laquelle nos pays « développés » se trouveraient actuellement, l’intervenant explique que ce sont les nouveaux monétaristes qui expliquent que la barrière à zéro pour les taux n’est qu’une barrière psychologique et que l’on pourrait recourir si besoin aux taux négatifs ! Du coup paradoxe pour moi car vous vous présentez comme monétariste et flinguez (à mon sens à juste titre) les taux négatifs ?.. J’ai loupé un truc?..

    Merci et au plaisir de vous lire.

      1. Merci de votre réponse.

        Cette conférence est en fait issue d’un cours en ligne de préparation à l’agrégation d’économie-gestion d’un enseignant assez connu sur les médias (notamment blog assez fourni), M.Alexandre Delaigue ;
        Je ne suis pas spécialiste en économie mais ayant l’habitude de vous lire j’ai été très surpris de ce qu’il a énoncé sur l’état actuel du débat théorique, je ne peux vous retransmettre la vidéo (lien privé) mais je me suis permis de vous mettre l’extrait du powerpoint associé à ses explications. Ayant réécouté celles-ci ce matin , il parle bien d’après ce que j’en comprends du débat des « monétaristes actuels »..

        Bref, moi je suis perdu 😉 , comme beaucoup aux manettes apparemment..

        Extrait ppt

        Que faire? Le débat théorique

        À la borne inférieure zéro/stagnation séculaire, trois approches des politiques à mener.
        Les monétaristes
        La borne n’est qu’une barrière psychologique : suffisamment de mesures non conventionnelles peuvent avoir un effet et relancer les anticipations d’inflation
        Mais il est bien difficile d’être rationnellement irrationnel
        Les Keynésiens
        La politique monétaire est une bonne chose, mais ne suffira jamais ou ne sera jamais adoptée de manière suffisante
        Il faut donc, de manière massive, soutenir l’activité par les déficits publics
        Ceux-ci ne sont pas un problème dans un pays qui émet sa propre monnaie et qui se trouve en trappe à liquidités
        Les autres
        Le problème est structurel et les actions conjoncturelles seront sans effet, ne faisant qu’amplifier les déséquilibres
        Il vaut mieux se préparer à l’avenir plutôt que d’essayer de faire en sorte qu’il n’arrive pas

  3. Bonjour,
    Je vous remercie pour ce billet très explicatif !
    Il est clair que l’état des agrégats monétaires et des banques européennes est totalement différent des US. C’est d’ailleurs »inquiétant », quand on voit l’actif 5 comme vous le faites remarquer.

    Cependant je constate via mes graphiques que les dépots bancaire américains ont explosé mi/fin 2008 au même moment que les « Liquidity Facilities + Support for Specific Institutions ». Les dépôts ont ensuite augmenté dans une belle corrélation avec les achats de titres.
    La FED leurs achetant des titres, elle crédite ensuite le montant sur les comptes bancaires ouvert chez la FED.

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