Systèmes et parités monétaires

L’invention la plus importante que l’homme ait faite depuis qu’il existe est indubitablement celle du principe de la comptabilité en partie double, il y a 5 000 ans du côté de Babylone, car il permet aux hommes d’échanger leurs produits dans le monde pour leur plus grand profit, en toute confiance et en sécurité tant que l’argent est sain, ce qui est le cas quand les règles sont respectées…

En Chine, les exportations étant très largement supérieures aux importations, la valeur des flux réels sortants est égale aux flux financiers entrants, la quantité d’argent qui y circule est donc très élevée par rapport aux produits disponibles, ce qui est inflationniste.

Inversement, le déficit commercial des Etats-Unis correspondant à des flux réels entrants égaux aux flux financiers sortants, les produits disponibles y sont relativement abondants par rapport à l’argent y circulant, ce qui est… déflationniste (dans une certaine mesure), une situation inédite depuis l’après guerre, ce qui explique que l’inflation et les taux peuvent rester bas pour une période prolongée, conformément aux déclarations du bombardier furtif B-2, Ben Bernanke.

Dans ces deux pays, les déséquilibres des balances commerciales sont rééquilibrés par les mouvements de capitaux pour assurer l’équilibre nécessaire des balances des paiements : les réserves chinoises en dollars (3 200 milliards) restent en dollars (pour l’essentiel) ou bien elles sont investies en valeurs mobilières américaines.

Globalement ce système, en grande partie imaginé et mis en œuvre par ce bon vieux Greenspan, est équilibré et il bénéficie aux deux partenaires tant que les tensions inflationnistes chinoises sont plus avantageuses que ses inconvénients.

Le système qui lie le renminbi au dollar est de type Bretton Woods (ces parités sont administrées) mais non contraignant, c’est-à-dire que les autorités chinoises peuvent librement décider de laisser leur monnaie se réévaluer par rapport au dollar (ce qui rétablira les équilibres des balances commerciales) quand elles estimeront que l’inflation n’est plus tolérable (avec les moyens utilisés actuellement).

L’euro système est de type Bretton Woods bloqué, fermé : il est impossible de modifier les parités monétaires des pays membres.

L’Allemagne est dans une certaine mesure dans une situation comparable à celle de la Chine : inflationniste mais il n’est pas possible de modifier la parité de la monnaie qui y circule par rapport à celles des autres pays de la zone euro.

Ces cochons de pays du Club Med ne sont pas dans la même situation que les Etats-Unis car les mouvements libres de capitaux ne viennent pas spontanément rééquilibrer les déficits de leurs balances commerciales (ils ne sont pas attirés par une rentabilité espérée) : ce sont les réserves en devises de l’Allemagne qui en sortent pour combler leurs déficits et équilibrer les balances des paiements.

Ainsi, les réserves en devises de l’Allemagne sont (quasiment) à zéro, comme celles de ces cochons de pays du Club Med.

L’euro système a tenu miraculeusement jusqu’au début de l’année 2010 sans risque de défauts de paiements majeurs grâce aux excédents allemands, ce qui n’est plus le cas depuis le mois de mai 2010 (ce que les marchés avaient anticipé un mois plus tôt).

Les tensions issues des déficits (surtout dans les positions nettes vis-à-vis de l’étranger) des pays de la zone euro ne sont plus tenables.
Toute sortie de ce système en douceur est maintenant impossible, d’où les turbulences actuelles…

13 réflexions sur “Systèmes et parités monétaires”

  1. C’est lumineux. Merci. On dirait que tout se passse selon vos analyses, depuis que je les suis de pres.. disons 2 ans. On dirait meme que c’est le pire de vos scenarii qui va se realiser. Grace a la vision de nos hommes d’etat et de leurs sinistres de l’economie.

  2. On évoque souvent le scénario d’une sortie de l’€ de la Grèce ou une autre membre des PIIGS , mais si sous la pression des électeurs c’était l’Allemagne qui décidait de sortir …et revenait au DM…
    Sa dette en € sous l’effet de la dévaluation se réduirait en peau de chagrin, plus besoin de s’encombrer de voisins devenus trop lourds à porter.
    Cela serait vraiment dans leur intérêt , le fait que leur candidat à la BCE ait été retiré « discrétement ».
    Seul désavantage : un peu moins d’exportations chez les PIIGS ..
    Est-ce envisageable ??

  3. SUITE
    Cela reviendrait à poser le problème à l’inverse du consensus et de dire que le problème de l’ € ne sont pas les PIIGS mais l’Allemagne qui est trop vertueuse. Car dans ce scénario l,’€ perdrait immédiatement 20 à 40% de sa valeur avec un effet très dynamisant pour les PIIGS leur donnant par la même occasion la possibilité de rembourser leurs dettes dans un € très dévalué, donc sans faillite …

  4. « En Chine, les exportations étant très largement supérieures aux importations, la valeur des flux réels sortants est égale aux flux financiers entrants, la quantité d’argent qui y circule est donc très élevée par rapport aux produits disponibles, ce qui est inflationniste.

    Inversement, le déficit commercial des Etats-Unis correspondant à des flux réels entrants égaux aux flux financiers sortants, les produits disponibles y sont relativement abondants par rapport à l’argent y circulant, ce qui est… déflationniste (dans une certaine mesure), une situation inédite depuis l’après guerre, ce qui explique que l’inflation et les taux peuvent rester bas pour une période prolongée, conformément aux déclarations du bombardier furtif B-2, Ben Bernanke. »

    En somme, il vaut mieux un déficit commercial compensé par des entrées nettes de capitaux que le contraire ?

  5. Votre analyse est limpide une fois de plus et résume parfaitement les principaux enjeux monétaires qui se jouent actuellement sur la planète économique.

    Pourriez-vous néanmoins préciser – en pratique – comment l’Allemagne parvient-elle à transférer ses réserves en devises via les pays du Club Med dont la France ?

    Encore merci à vous.

    1. … cf. ce que j’en ai écrit (à maintes reprises !) : par la rubrique « Compte financier, Autres Investissements, France vis-à-vis du Reste du Monde, Transactions nettes, non CVS-CJO » N.4.700 C’est on ne peut + précis et clair !

  6. Mardi 19 juillet 2011 :

    Espagne : le Trésor émet 4,45 milliards d’euros de bons 12-18 mois, taux en forte hausse.

    Le Trésor espagnol a émis mardi pour 4,45 milliards d’euros de bons à 12 et 18 mois, a annoncé la Banque d’Espagne, le pays souffrant d’une forte hausse des taux d’intérêt dans un contexte de tension sur les marchés.

    Les taux ont particulièrement bondi sur l’émission à 12 mois, à 3,702 %, contre 2,695 % lors de la dernière émission de cette échéance le 14 juin, tandis que sur celle à 18 mois, ils ont également augmenté, à 3,912 %, contre 3,26 %, également le 14 juin.

    Ces taux sont aussi très supérieurs à la tendance du marché, les bons espagnols à 12 mois ayant clôturé lundi à un taux de 2,100 %, ceux à 18 mois à 2,350 %.

    http://www.romandie.com/news/n/Espagne_le_Tresor_emet_445_mrd_d_EUR_de_bons_12_18_mois_taux_en_forte_hausse190720111107.asp

  7. Stress test de la BCE : peut-elle encore sauver l’euro ?

    Quant on s’intéresse de plus près au bilan de la Banque centrale européenne, on se rend compte que le principal soutien à la monnaie unique n’est pas si fiable que cela.

    Notre stress test de la BCE :

    Au 31 décembre 2010, les actifs de la BCE s’élevaient à 1 900 milliards d’euros. Ses capitaux et réserves à 82 milliards. Ce qui nous donne un ratio de 23/1 — ce qui veut dire que si la valeur des actifs de la BCE chute de 4,3 %, elle fera faillite.

    Toute la question maintenant est de savoir ce qui compose les actifs de la BCE pour déterminer leur probabilité de perdre quelques petits pourcents de valeur.

    44 % de ces actifs sont composés d’asset-backed securities (ABS) — soit 480 milliards d’euros — et d’ « instruments financiers non-négociables » — 360 milliards d’euros. Derrière ces termes barbares se cachent en partie les actifs pourris (crédits et titres hypothécaires essentiellement) que les banques européennes ont refourgués à la BCE en 2010. Evidemment, ils lui ont été vendus à leur valeur nominale, pas leur valeur du marché — forcément en forte baisse.

    Dans les coffres de la BCE se trouvent aussi les actifs (toujours pourris, sinon cela n’a aucun intérêt) vendus par les banques irlandaises en échange d’euros. Ces créances sont normalement garanties par l’Etat irlandais lui-même mais on voit mal comment il pourrait payer en cas de problèmes.

    Les 56 % restants sont composés de tout un tas de choses pas vraiment ragoûtantes : 106 milliards d’euros de prêts à la Banque centrale irlandaise, 46 milliards à celle du Portugal, et 44 milliards à celle d’Espagne, etc.

    Et enfin, 90 milliards d’actifs grecs — soit 4,7 % du total des actifs, et donc plus que les capitaux propres et de réserves de la BCE.

    De quoi nous rassurer sur la situation financière de la BCE, non ?

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